Extrait du journal
La question du retour de 1*Assemblée et du gouvernement à Paris continue de défrayer les conversations des salons et les chroniques des nouvellistes politi ques. Aux dernières nouvelles, il parait que cette fameuse question avait fait un pas : on annonçait que parmi ceux de messieurs les membres de la droite qui ont fait à Paris l'honneur de le prendre en haine, les plus récalcitrants commen cent à baisser pavillon et à renoncer à leur projet de fonder à Versailles un nouveau Washington. Croirait-on par .hasard que c'est à la raison, au bon sens, à l'évident intérêt de la capitale et de la France qu'il faut attribuer l’honneur de cette victoire sur les préjugés et les rancunes des ennemis de Paris ? -Nulle erreur ne serait plus profonde. Ce n'est point par de tels motifs que se décident les modérés de la droite. Ni la raison, ni le bon sens, ni l’intérêt de la bonne administration du pays, ni celui de la reprise des affaires, ne sont d’assez grand poids dans la balance où ces intelligents conservateurs pèsent lus résolutions qu’ils ont à prendre. Lors que, dans l'un des plateaux sont placées les colères et passions des partis, cer taines opinions que l'on croit profondes et qui ue sont que fausses, adieu le bon sens et le bien public : tout cela ne pèse rien ou peu de chose, et nos modérés n'en font qu’à leur tête. Heureusement pour Paris que celte lois dans la balance, du côté du bon sens d’un poids si léger, il y a les convenan ces de ces messieurs, leurs commodités, leurs aises,le soin de leur précieuse santé, toutes choses d'un poids considérable : on peut espérer que la cause de Paris l’em portera. A quelque chose l'hiver est bon, car on dit que c’est surtout le brouillard humide qui pénètre et qui glace, le froid qui mord et qui tue, les longues veil lées à passer au coin du feu, en famille, loiu des plaisirs et des fêtes du monde, qui décident messieurs de la droite à faire leur rentrée dans Paris, dans cette ville maudite, qui est après tout la seule où tâon puisse vivre, quelque royaliste et conservateur que l’on s’honore d’être au fond de sa conscience. Encore s’il eût été possible de bien chauffer la salle des délibérations de l'Assemblée, peut-être eût-on profité de tel avantage pour tenir plus longtemps rigueur à Paris. Mais non : on ne pour rait établir, dans le fragile et brillant théâ tre du palais de Versailles, les puis sants appareils calorifères indispensa bles pour tenir bien chauds et bien à leur aise tous ces vieillards venus des quatre coins de nos provinces pour légi férer, sans mettre en péril, avec la mipaonne bonbonnière de Mme de Pompadour, le palais tout entier et tous les souvenirs monarchiques qu’il rappelle. Il faut donc quitter Versailles ; il le faut, sera encore une manière de servir le roi que de préserver son palais de l’in cendie destructeur. Et puis on y revien dra, il faut bien l’espérer, ue fût-ce que pendant l’été, Alors qu’un lourd soleil chauffe les grandes tlulles Des ponts et de nos quais déserts. On aura ainsi palais à la ville et château à la campagne ; et ce sera bien mieux, plus grand seigneur, et tout à fait du bel air. Partons donc, puisque la neige arrive, et que nous ne saurions ou aller au cercle passer nos soirées et nous •délasser des pénibles travaux de la Ohainbve. Rentrons à Paris, mais que Paris le sache bien, nous ne l’en détes tons pas moins. Au contraire, nous lui t;11 voudrons encore plus de nous avoir recueillis et abrités et de s’être trouvé là, si près de Versailles, quand nous avons dû quitter ce séjour préféré. Est-ce assez ridicule? Et pourtant tout cela est vrai, profondément vrai. Oui, il v a des gens qui pensent ces choses, il y en a même qui les disent. Et ces gens se croient des hommes politiques ; et ils sont membres de l’Assemblée qui statue souverainement sur les intérêts et les destinées du pays ! En vérité, y a-t-il rien qui explique mieux l’impopularité...
À propos
Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.
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