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La République française, 20 juin 1894

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La République française
20 juin 1894


Extrait du journal

L’ESPRIT NOUVEAU Quoique éloigné du pouvoir à la suite d’un de ces coups de bascule auxquels notre régime d’instabilité ministérielle ne nous a que trop habitués, l’honorable M. Spuller ne croit pas devoir, à l’exemple de certains hommes d’Etat en disponibilité, se canton ner dans une retraite boudeuse et taciturne. La hauteur de son caractère, la sérénité de sa philosophie le placent au-dessus des rancunes mesquines ; sa longue expérience de la politique lut permet d’y apporter en core avec autorité l’utile contribution de scs avis éclairés, alors même qu’il ne colla bore pas officiellement à la direction des affaires. L’ancien ministre donne donc des conseils au parti républicain. Et comme il est de ceux qui ont le courage de leurs opinions et de leurs actes, 11 l’exhorte, au risque de s'entendre traiter de radoteur, à pratiquer la politique que lui-même s’est efforcé de faire prévaloir pendant son dernier passage au ministère, et qu’il a si bien caractérisée dans une formule désormais historique : < l'esprit nouveau ». On n'a pas oublié le retentissement de ce mot prononcé à la tribune de la Chambre, à l’occasion d'une discussion sur la ques tion religieuse, et répercuté par tous les échos de la presse. Les polémiques se sont chargées de lui faire un sort. Parmi ses commentateurs, les uns, et nous étions du nombre, l'ont grandement approuvé, comme l'expression du bon sens et de la clair voyance; les autres, l’interprétant à contre sens, l’ont reproché violemment à l'ancien collaborateur de Gambetta comme une tra hison et une apostasie, comme un appel à la réaction. A maintes reprises, M. Spuller a dû pro tester de la façon la plus formelle contre cette interprétation erronée, expliquer la véritable signification, pourtant si claire, do sa formule, développer l’idée si juste et si saine qu'elle résume. Mais, malgré la netteté de ces explications réitérées, les sourds persistant à ne pas entendre et les aveugles à ne pas voir, il revient à la charge aujourd’hui, dans une intéressante lettre adressée à notre excellent confrère M. Edouard Sylvain, rédacteur en chef du Progrès de l’Est. «Je suis convaincu, écrit-il, que notre cher et glorieux parti se heurtera à des dif ficultés peut-être insurmontables, s'il ne consent pas à se renouvelér dans son esprit. Les jeunes générations, ayant autre chose à faire que ce que nous avons fait nous-mêmes, ne peuvent pas, ne veulent pas se traîner dans notre sillon. Elles veu lent qu’on leur parle un autre langage, qu’on les entretienne d’autre chose que de nos querelles vieilles et sans intérêt. » On ne saurait mieux dire. Oui, M. Spuller a cent fois raison : à l’heure présente, l’esprit réellement rétro grade, celui dont l’applicalion constitue un véritable anachronisme et nous exposerait à un retour offensif de la réaction, — c’est le vieil esprit. Il a pu être de saison quand il était en core jeune, il a pu rendre des services à l’é poque des luttes pour l’existence de la Ré publique et l’avènement définitif de la dé mocratie, il n’a plus de victoires à remporter sur ses ennemis désormais réduits à l’im puissance ; il a fait son temps et sa place n’est plus dans la politique militante. A quoi bon sc battre, comme don Qui chotte, contre des moulins à vent ? Pour quoi user en de vaines querelles une acti vité et un temps précieux dont des nécessi tés nouvelles, des devoirs nouveaux récla ment impérieusement l’emploi ? Ce n’est pas en semant dans un sillon épuisé des graines éventées ou des germes de discorde qu’on récoltera la bienfaisante moisson de reformes promise au pays, et qu’il attend impatiemment. Jamais cette vérité n’apparut avec une plus éclatante évidence qu’en ce moment, où les malencontreuses entreprises de l’es prit ancien menacent de stérilité la Chambre nouvelle. Edmond Frank....

À propos

Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.

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