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La République française, 23 juillet 1901

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La République française
23 juillet 1901


Extrait du journal

M. Millcrand poursuit imperturbablement son œuvre de désorganisation économique, et semble mettre son amour-propre à prouver au parlement qu’il est le maître et que ses fantaisies font loi. Plus il est dans l’illégalité, plus il s’entête, et on sent qu’il éprouve une vraie jouissance à braver tout ce qui lui résiste. Le Sénat n’est plus à ses yeux qu’un pou voir servile, accroupi devant le ministère et résigné d’avance à supporter toutes les ava nies. Il le traite en quantité négligeable, et on sent au fond de son mépris la joie du révolu tionnaire qui se venge. Après avoir, d'un trait de plume, constitué les conseils du travail, en faisant d’eux une véritable institution dominant le fonction nement do la vie industrielle du pays, il en tend poursuivre jusqu’au bout son œuvre dictatoriale, sans aucun souci des princi pes essentiels de notre droit constitutionnel. C’est en vain que le Sénat l’a rappelé à l’or dre en sc saisissant lui-même de la question et en lui signifiant qu'elle lui appartenait ; en vain qu’il a pris en considération une propo sition qui en restitue la connaissance aux Chambres; rien de tout cela n’existe pour un ministre qui considère la révolution sociale comme accomplie, et qui croit déjà réalisé le premier article de son ancien programme, la suppression du Sénat. Pour que personne n’en ignore, M. le mi nistre du commerce vient en conséquence de faire placarder par M. le préfet de la Seine une affiche convoquant les électeurs créés de toutes pièces par lui, c’est-à-dire les syn dicats patronaux ou ouvriers existants, à l'exclusion des ouvriers non syndiqués qui représentent cependant les deux tiers des travailleurs, pour la formation de ces mêmes conseils du travail qui sont à l'ordre du jour du Sénat et qui doivent être discutés par lui au début de la prochaine session. Discutez tant que vous voudrez, braves pères cons crits, leur dira alors le potentat de la rue de Grenelle ; mais il est trop tard, la chose est faite, irrévocablement faite, le gouvernement n'a plus besoin de vous. Il faut reconnaître que, depuis Louis XIV et Napoléon I,r, personne n’avait osé crava cher avec une pareille désinvolture le pouvoir parlementaire. Il est vrai qu’il y a dans l’attitude du ministre collectiviste autant de rouerie finassière que d’audace,et on retrouve aisément l’avocat retors sous le dictateur. Quand la prise en considération du projet Bérenger a été mise en discussion et quand s’est trouvée posée devant le Sénat la ques tion de légalité des décrets, M. Millcrand s’est bien gardé d’ouvrir la bouche pour protester et défendre ses actes. 11 est resté à son banc muet comme une carpe, se disant que ce n’était pas la peine de déchaîner un si gros orage ministériel à la veille des vacances et que le mieux était de paraître résigné. S’il doit succomber, le leader collectiviste entend le faire le plus tard possible et aveo éclat ; il veut prouver aux frères et amis, qui ont tant à lui pardonner, qu’il est de taille à braver ou à mater la haute Assemblée,qui a toute son estime comme Haute Cour, mais qu’il méprise souverainement comme seconde Chambre. Quand M.Millerand reparaîtra devant elle, on peut être certain qu’il le prendra de haut, et lui signifiera que c’est parce qu’il entend bien avoir le dernier mot qu’il a profité des vacances pour faire son petit coup d’Etat. C’est ainsi que le parti révolutionnaire se fait tout doucement la main en prévision du jour où il faudra employer les grands moyens pour sc débarrasser du parlementarisme.Cette petite affaire des décrets, qui n’a l’air de rien du tout, est une révélation aveuglante qui, à d’autres époques, aurait fait bondir les répu blicains et soulevé l’indignation générale. Aujourd'hui, ccs choses-là passent presque inaperçues : les républicains dorment ou di gèrent et les chiens de garde de la Constitu tion sont si bien muselés que l’ennemi pourra bientôt franchir le mur sans avoir rien à craindre ; la maison est déjà à lui....

À propos

Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.

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