Extrait du journal

au teint cuivré, silencieux, sévère, et cependant doux et faible, avait parmi nous l’attitude et la réputation d’un héros. S’il fallait désigner quelqu’un pour un acte ou un poste de discrétion, d’énergie et de péril, les yeux se tournaient instinctivement vers lui, et il acceptait, sans faste, mais intérieurement heureux, et le regard voilé perçant, sur son front presque toujours assombri. Je n’étais point lié avec lui. Nous vivions dans deux mondes séparés ; moi, dans l’étude et parmi les jeunes savants qui formaient la majorité de la vente ; lui, parmi une jeunesse plus libre, studieuse à son aise, plutôt amie du rêve indolent et de la passion, de l’action, du plaisir et du tumulte du Paris mondain, artiste et commerçant. Sautelet et son ami Paulin, Ihomas, Godefroy Cavaignac et quelques autres vivaient plus particulièrement ensemble. Cavaignac, Guinard et Thomas, formaient déjà à peu près cette trinité d’affection, de dévouement, d’entêtement obstiné, qui en a fait plus tard, en des crises bien diverses, les représentants et les chefs du vrai parti républicain. Honnêtes, désintéressés, prêts à .tout souffrir et à tout oser, mais enfermés dans le cercle étroit de leur premier enthousiasme, et de la première forme politique qu’avait embrassée leur patriotisme, ils sont demeurés Purs, mais fermés à toute étude, à tout regard sur la société, à toute expérience, même aux plus douloureuses, pour eux et pour leurs amis....