Extrait du journal

possible à ceux qui veulent toujours tout deviner, tout voir, tout savoir, à ceux qui sont dévorés du désir de plaire et qui s’enivrent de leurs succès mondains, à ceux qui aiment avec excès la parure, l’oisiveté, le vin et la bonne chère ; à ceux qu’une fougueuse organisation, surexcitée par de pré coces et longues habitudes de luxure, porte comme ins tinctivement aux plaisirs sensuels; à ceux dont l’orgueil monte toujours, qui s’évanouissent dans le ravissement de leurs propres pensées, et qui comptent sur eux-mêmes avec une satanique imperturbabilité, malgré la conscience de leur faiblesse. Mais ce n’est point ainsi que l’Eglise veut son prêtre, et qu’elle a organisé sa vie célibataire. Avant tout, elle lui apprend que la continence est un don du ciel et un fruit de la prière ; qu’on ne saurait garder intact sans la grâce d’en haut ce trésor que nous portons dans des vases fragi les; que, si l’humilité conduit à la gloire d’une virginité sans tache, la confusion de la chute est presque toujours préparée d’avance aux exaltations de l’orgueil ; et, enfin, que celui qui aime le péril y succombera. Elle veut qu’un maintien grave, qu’une parole discrète et qu’un habit de deuil éloignent de ses clercs les provocations et les adula tions du siècle. Elle veut qu’ils ne paraissent jamais dans le monde pour le monde, mais seulement par nécessité ou par bienséance ; qu’ils mettent un frein à leurs yeux et à leur langue ; que leurs conversations avec les femmes soient rares et courtes ; qu’ils mènent une vie retirée et sans cesse occupée; que non seulement ils évitent les ex cès de la table et du vin, source de luxure, mais qu’ils se mortifient et crucifient leur chair avec ses vices et scs con voitises; qu’ils ne se confient jamais dans leurs triomphes passés, mais qu’ils luttent jusque dans leur extrême vieil lesse contre une fragilité qui, après avoir traversé mille orages, pourrait échouer, et se briser au port. Il en coûte pour mener cette angélique vie, pour sevrer continuelle ment sa pensée, son cœur, ses regards de cc qui peut les charmer et les séduire, et pour s’élever toujours au-dessus du monde et de soi-même ! Oui ; mais depuis quand cc qui coûte serait-il devenu impossible? Il en coûte pour vivre célibataire! Mais n’en coûte il rien pour vivre dans le ma riage, dans les soucis de la paternité, dans le commerce et dans les affaires, dans les honneurs d'une condition élevée et dans l’humiliation et la gêne d’une humble condition ? Certes il en coûte de se faire tuer quand ou monte à l’as saut, et tous les jours cependant nos soldats se font tuer sans murmurer et en souriant, au contraire. Et l’on vou drait que l'Eglise, celte nourricière des forts, leur ordonnât d’oublier l’antique adage : Tendit ad ardua virlus? Il faut pour un tel dévouement des cœurs généreux; mais ces cœurs-là se rencontrent, et la religion les sacre en même temps prêtres et vierges ; amère les faibles courages, il ne taut ici que des braves, et ce sont des lâches qui les jugent! Sénèque a dit : « Les choses qui nous paraissent héroïques le sont moins que nous le croyons. Nous ne manquons pas de force pour les choses difficiles ; mais les choses devien nent difficiles, parce que nous manquons de force. » Maxi me présomptueuse quand on exclut l’intervention de la grâce divine, maxime vraie quand on accepte cette inter vention ! Prenez des hommes qui ne comptent que sur euxmêmes, quelle que soit leur énergie, vous n’en ferez jamais des célibataires vertueux ; mais choisissez des hommes de vocation, éprouvez-les, qu’ils veillent, qu’ils prient, qu’ils fuient les dangers, et se contient en Dieu, vous aurez de vertueux célibataires. (Extrait de la 2:' édition du livre de Mgr d'Alger.)...