Extrait du journal
Par 320 voix contre 93. la Chambre a adopté le contre projet de MM. Je^n Bon et Andrieux accordant aux femmes tous les droits d électorat et d'éligibilité que les hommes s'étaient réservés jusqu'à ce jour. La Commission du suffrage universel pro posait au contraire de déclarer les femmes éleclrices et éligibles aux conseils municipaux et électrices seulement aux élections canto nales. ce qui était fort compliqué et même assez contradictoire. Ls système de la commission a été défendu par MM. Flandin et Varenne. Mais deux charmeurs, MM. Viviani et Briand, ont sou tenu le contre projet Jean Bon-Andrieux et enlevé le vote. Comme dit le Temps, la Chambre ne pouvait résister « aux accents de ces voix de sirènes ». Ajoutons qu’il se trouve des gens pour insinuer que les dites sirènes ont voulu, comme autrefois, entraîner le navire sur des écueils pour le faire sombrer. L'affaire finirait ainsi en queue de poisson, toujours suivant la tradition des sirènes. Qui vivra, verra. La politique a de si étranges dessous ! En attendant voici les principaux arguments qu’on a fait valoir pour ou contre le vote des femmes. On lui a reproché de pouvoir amener la destruction de l'esprit de famille. Cet argument n’est pas sérieux. Il existe dans les familles bien d autres causes de désaccords : la question religieuse, la direction à donner à 1 éducation des enfants, le choix de l'école où on les mettra et. plus tard, celui de la carrière. Les époux ne pensent pas toujours là dessus de la même façon et l'esprit de famille n’est pas détruit pour cela. On se fait des concessions, on s'arrange. Du reste, si ce danger était réel, c’est dans les élections municipales surtout qu'il serait à craindre. Ces élections sont locales ; les candidats sont des voisins ; on les rencontre à chaque instant ; les relations avec eux, bonnes ou mauvaises, sont cons tantes. Tel candidat peut être agréable à I un des conjoints et déplaire à l'autre. On pourra se quereller à son sujet dans le ménage Le candidat à la députation ou au Sénat est au contraire lointain ; on le connaît à peine ; souvent on ne l a jamais vu. Ce n’est pas son élection qui passionnera et risquera de désu nir la famille. On a dit aussi que l'éducation politique des femmes n'est pas faite et qu'il est prudent de ne leur accorder d’abord qu'un droit électoral très limité. C’est une expérience à faire. Plus tard, si tout va bien, ce droit sera élargi. Mais on oublie que l’expérience est déjà faite en d'aunes pays qui s'en trouvent bien Pourquoi la recommencer chez nous? Pourquoi procéder ainsi par petites étapes ? La femme française est-elle moins intelligente que celle des pays voisins ? Lorsque le suffrage universel fut accordé aux hommes, leur éducation politique était-elle donc si avancée et si parfaite ? Il existe, à la vérité, un autre argument plus sérieux et c’est celui dont on parle le moins. Beaucoup d'hommes politiques redoutent que les femmes votent contre la République, contre Tescandidats républicains Certes, il y en auraqui voterontainsi, comme on en trouve, du reste, dans l’autre sexe. Mais nous croyons que l'on s exagère le danger. Les femmes aiment la paix, l’ordre, la tranquillité Elles ne pousseront pas à un changement de régime qui pourrait amener des désordres, jeter le trouble dans leur existence. Elles n’ont pas l’intransigeance du sexe « fort » (façon de parler). Nous pensons qu elles donneront la préférence à celui des candidats qui, dans sa profession de foi. fera preuve de plus de rai son, de bon sens, de la compréhension la plus exacte des véritables aspirations du pays. C’est à celui-là qu elles donneront leur voix, même s il n était pas le plus beau garçon. Elles apporteront certainement dans l’exercice de leur droit électoral autant d in telligence et de sagesse que les hommes, ce qui, d’ailleurs, ne veut pas dire beaucoup. Voyons maintenant les avantages du suf frage féminin : « L’expérience acquise à I étranger, nous dit le Temps, permet de croire que l influence des femmes dans l'élection des conseils qui ne sont pas saisis des grands problèmes nationaux, aura pour résultat d améliorer pratiquement les conditions morales de l’exis tence. En Angleterre, Sidney Webb proclame que
À propos
Fondé en 1878, L’Avenir de la Mayenne est un quotidien régional publié à Laval, puis à Rennes. Il change de nom en 1932 pour devenir Le Républicain de la Mayenne avant de disparaître en 1942.
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