Extrait du journal

La décoration, un peu démodée, puis qu’elle remontait à quelque trente années, consistait en un meuble de noyer sculpté et rehaussé de quelques touches d’or. La tapisserie nu petit point, chef d’œuvre de patience, avait été exécutée par la tante elle-même qui y avait consacré plusieurs hivers de son existence. Le dessin était fait de grands ramages et de fleurs chimériques, dont les nuances indécises s’enlevaient sur un fond de soie à nuance pâle. Les rideaux elles tentures, de brocatelle jaune et rouge, — l’excel ente femme avait été brune, — s’harmonisaient avec le fond et les couleurs dominantes de la tapisserie. Sur la grande cheminée, une Diane de marbre blanc se découpait, svelte et gra cieuse, sur la verdure sombre de deux plantes de serre dont les feuilles se rejoi gnaient en fouillis derrière la déesse. Sur une étroite console dorée du plus pur style Louis XIII, une petite pendule de même époque égrenait les heures de sa voix grêle et argentine sous une glace de Ve nise dont les facettes jetaient des étincelles irisées. De chaque côté de la console, des vitrines contenaient des émaux, de vieux ivoires aux teintes jaunies, des bronzes chinois et japonais, bibelots divers qu’Urbain avait rapportés en souvenir de ses voyages ; magots et oiseaux bizarres fra ternisaient avec les statuettes de Saxe et les petits bronzes de Barrye. Sur les ors des cadres, à travers les girandoles et les lustres, les rayons du soleil automnal mettaient des jeux de lu mière et accrochaient des paillettes aux pointes des cristaux. De gros bouquets de roses versaient dons l’air attiédi leurs parfums où se mêlait la senteur des fleurs d’arrière-snison, exhalée des parterres par les portes-fenêtres laissées grandes ouvertes. Philippe et Clodion, guidés par Urbain, montèrent au premier étage et entrèrent...