Extrait du journal

i . C’était l’hiver, dans un cantonnement misérable où la lumière manquait, où l’humidité et le froid vous pénétraient jusqu’aux os. Dans le Foyer, du moins, on voyait clair, et l’on avait chaud ; vingt lampes brillantes l’illuminaient, deux poêles ronflaient qui dévoraient tout ce qu’on voulait bien leur donner, et je vous assure que l’hom me chargé de les nourrir se montrait généreux. Et puis, songez donc, il y- avait là des tables, et l'on pouvait écrire à sa famille ou à sa marraine... Des copains s’y sont installés... d’autres regardent des journaux illustrés. Un seul n’a pas Fair d’avoir goût à grand chose ; cependant il tire à lui une feuille de papier et se met à tracer des lignes mystérieuses, des ronds et des carrés ; puis laisse tomber sa plume. Instinctivement, les camarades lèvent les yeux, fixent • un instant leur compagnon, puis reportent leur j egard sur la feuille qu’il vient de noircir et l’un d’eux chu chote à l’oreille de l’autre : — Il a l’cafard ! — Tu crois ? — J’en suis sûr, voilà trois jours que ça dure ; l’ap pétit ne va pas, il dort mal, il me l’a dit. Pauv’ bou gre ! C'est depuis qu'il a reçu des nouvelles de chez lui. C’est un père de famille On ne sait pas si c’est le regret ou le souci, mais bien sûr que cette lettre lui a donné l’cafard. — Si c’est ça, dit l’autre, il ne faut pas le laisser tout seul avec c’te bête-là ; c'est une mauvaise compa gnie. Attends voir, nous allons lui causer Dis donc, l’autre, ça n’a pas l’air d’aller (désignant la feuille griffonnée) ; pour faire des dessins comme ceux-là, faut qu’ tu sois en train de retomber en enfance, ou bien ton esprit est dans la lune, puisque lu fais des ronds et des carrés... à moins que ce ne soit les lignes d’une machine de ton invention. Mais je ne...