Extrait du journal

LE CLUB DES FEMMES. L’ouverture annoncée pour hier jeudi à huit heures du soir , au bazard Bonne-Nouvelle , avait attiré un concours immense de curieux; une queue formidable se développait dès sept heures sur le boulevard,pen dant que la musique d’un régiment de lanciers pla cée au balcon du grand café de France faisait reten tir l’air de suaves mélodies. Le club avait le droit de croire que cette musique était venue à son intention, mais nous sommes obli gés de déclarer qu’elle avait paru au balcon du ca fé à l’occasion d’un banquet donné aux lanciers par la garde nationale. Quelques jeunes étourdis, incrustés dans cette queue tortueuse, cherchent pour occuper leurs loisirs à fraterniser avec leurs voisines ; des gardes natio naux s’y opposent, leur autorité est respectée. A huit heures les grilles s’ouvrent et la foule se précipite. A peine dans la salle, elle s’arrête frappée de respect à la vue du bureau composé de douze da mes assises, ayant chacune devant elles un verre d’eau sucrée. Un monsieur occupe la tribune. Ce désappointement cause une certaine rumeur. Il est clair que l’on était venu pour entendre une voix féminine , une voix douce , une éloquence de contralto ; personne ne veut se résigner à écouter un orateur barbu que d’épais favoris classent parmi les barytons. Il y a là évidemment un acte d’oppression du sexe faible par le sexe fort. Le public proteste, il prend la défense des douze dames du bureau. Le baryton tâche de faire comprendre par sa pantomime que lui aussi professe le plus grand respect pour le beau sexe, qu’il ne veut point l’opprimer, qu’il est même prêt à...