Extrait du journal

Personne, assurément, ne s'est douté, hier, sur le boulevard, que dans tous les chefs-lieux de département, avait lieu,- à deux heures pré cises, une solennité éminemment locale, dont on n'a pas la moindre idée à Paris. C'était, d'un bout à l'autre de là France, l'ouverture des Conseils généraux,, car, contrairement à là chasse, les Conseils généraux s'ouvrent dans tous les départements à la fois. C'est, au chef-lieu, un jour de fête , quelque chose de plus relevé encore que le jour de foire. On arrive des environs pour la réunion du Conseil général; la session dure environ Huit jours, durant lesquels les hôtels ne désem plissent pas. Quant aux cafés, c'est pour eux la semaine bénie. Ily a généralement, dans chacune de nos préfectures, deux cafés principaux : le café ré publicain et le café conservateur. D'un bout à l'autre de l'année, les deux cafés se font une guerre au couteau, ou plutôt à la fourchette. - Il est formellement interdit, quand on est répu blicain, d'aller boire un bock au café conserva teur sous peine de passer pour un traître, et, si l'on est conservateur, on ne peut aller, à moins de se déshonorer publiquement, casser une croûte au café républicain. Durant la session du Conseil général, les deux cafés se donnent le luxe d'une illumina tion exceptionnelle. La veille de la réunion, on s'y livre aux pointages les plus minutieux. Il s'agit de savoir à qui appartiendra, le lende main, la majorité , qui sera élu président du Conseil générai. Y a-t-il des absents, y a-t-il...