Extrait du journal

Les rats des villes et les rats des champs. Au cours du débat sur le'budgetdes beaux-arts, l'armée des bouilleurs de cru, très puissante au Palais-Bourbon, a présenté un projet de résolution dont la discussion eût renvoyé aux calendes grecques le vote définitif de la loi de finances- Le gouvernement en ayant fait la remarque à la Chambre, un des bouil leurs de cru, originaire de la Marne, pays du vin de Champagne, s'est écrié avec indignation : . — Ainsi donc, on veut sacrifier les vignerons de nos campagnes aux dan seuses du corps de ballet?... Pour ce brave homme, le budget des beaux-arts n'a d'intérêt que pour l'Opéra et les danseuses. La peinture, la sculp ture, la musique, l'art et la littérature, tout cela n'est rien aux regards de nos bouilleurs de cru. Périssent les musées, les théâtres, et tous les monuments his toriques, plutôt qu'un seul cep de leurs vignes ! C'est, au fond, sous un aspect qui est ici symbolique, l'éternel procès contre Paris, «la Babylone moderne», et le conflit dont parlait La Fontaine entre les ra,ts des villes et les rats, des champs. Mais ceux-ci ont bien tort d'en vouloir à ceux-là, et nos vignerons seraient bien avancés de produire d'excellents vins, pimpants et mousseux, si on les excluait de ces soupers parisiens qu'ils traitent de sardanapalesques, et où les jolies danseuses, dont ils parlent avec tant de dédain, ne sont pas les dernières à en boire et à en faire boire......