Extrait du journal

théâtre; il s'élance vers son fauteuil au lever du rideau, il l'abandonne après le dernier des derniers rappels. Vous le voyez planté, et qui a pris racine, au milieu de l'orchestre, devant la Pavlova-: il- ouvre ,de - grands yeux, il> frotte ses mains,, il prend sa lorgnette, il la voit de plus près, il ne l'a jamais vue si belle, il a le cœur épanoui de joie ; il la quitte pour l'Isadora ; de là, il va aux danseurs, d'où il revient enfin à la ICarsavina, où il se fixe, où il se pâme, où il en ou bliera de souper... Après minuit enfin, cet homme ràisonnàble revient chez soi, fatigué, affamé, mais fort content de sa soirée : il a vu des gestes parfaits. < Parlez à cet autre de la nature et du soleil, du ballet des hirondelles dans le ciel et de la ronde des bêtes en forêt, quand, il y a clair de lune ; vous n'articulez pas, vous ne vous faites pas entendre ; il s'attache aux seuls gestes chorégraphiques; Et ne l'entretenez même pas de tous ces gestes, il n'a de l'amour que pour une certaine espèce... Ah ! que La Bruyère eût bien décrit, en effet, l'amateur de gestçs, à côté , du curieux, dès tulipes et du maniaque des fruits ! Il est toutefois encore plus joli de se mourir pour, des danses ado rables, certes, que pour des parterres de fleurs échantillonnées, à l'exemple de l'homme au jardin, ou, comme , le fol du verger, tout simplement pour des prunes. Marcel Boulanger....