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Le Figaro, 23 octobre 1925

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Le Figaro
23 octobre 1925


Extrait du journal

Quand Verlaine était chargé d'enseigner l'anglais aux élèves du lycée de Charleville, il s'attachait à donner à ses jeunes disci ples un bon accent d'outre-Manche quand ils parlaient français. C'est ainsi qu'au début de la classe il leur faisait répéter plusieurs, fois (cette petite phrase : — Bonndjeur misteu Veurlêne. Ce poète était, selon la loi latine, un prophète... Il prévoyait qu'un jour aucun Français ne serait accueilli avec plaisir dans un restaurant parisien ni, en voyage, au bureau d'un palace, s'il ne prenait la précaution de s'adresser au maître d'hôtel ou au gérant avec une prononciation fran chement anglo-saxonne. Un de mes amis, poussé par la nécessité, a inventé ce stratagème et comme il s'en trouve bien, il m'a permis de le recomman der aux lecteurs de ce journal. Obligé par le soin de ses affaires de dé jeuner au -restaurant, aimant à varier ses menus et l'aspect de ses voisins de table, il souffrait beaucoup de se présenter chaque jour dans une maison différente en client solitaire. On ne saurait croire comme le monsieur qui a la prétention d'accaparer une, table à lui tout seul est mal vu du personnel. Ce client à addition réduite et à pourboire unique a beau s'avancer, en souriant, vers la table qui lui semble la plus proche com me dimensions de celle de Manon, il est arrêté par un : « Pas ici, monsieur, cette table est de trois couverts. » * Il va vers une autre. Cette fois, on lui lance un regard : — C'est retenu. Il s'arrête, hésite, se demande s'il ne va pas s'en aller. Puis, pressé par la faim, il implore un maître d'hôtel. Celui-ci le toise, puis condescendant, lui désigne, au centre de la salle, une petite table autour de laquelle le service tourbil lonne, exposée d'autre part à l'air froid de la rue chaque fois que la porte s'ouvre, et il ordonne à un garçon maussade de s'occu per de « Monsieur *. Mais que ce même « monsieur » se pré sente vers une heure le visage complètement rasé, le nez chaussé de -lunettes, et peut-être avec une petite plaque .d'or -sur une dent de devant ; qu'il soit vêtu d'un lourd raglan à poil épais, coiffé d'un chapeau mou confor tablement enfoncé et chaussé de brodequins en boxcalf; qu'il s'adresse au maître d'hôtel, à un garçon,, à un chasseur s'il le veut eu demandant lentement : — Une tâbet for lunch. ' Tout le moiide s'empresse. La dame du vestiaire est appelée en hâte. Le maître d'hôtel tire lui-même la table pour que le client puisse passer facilement. Des confins de la salle accourt un sommelier souriant. — Oh ! oh ! se disent-ils tous. Voici le client idéal. L'Américain qui vient en France pour fuir le régime sec. Et déjà la carte des vins est ouverte à la page du Champagne. Mais c'est là que mon ami guette sa ven geance. Il veut bien jouer les Américains, mais les Américains respectueux des lois. Et il ne boit que de l'eau minérale. Pierre Soulaiae....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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