Extrait du journal

En matière pénale, la prescription joue un rôle bien équivoque. Un authentique voleur vient d'être renvoyé à ses chères études parce que dans les poursuites en gagées contre lui ou avait laissé se glisser un intervalle de trois ans de négligence. Les assassins eux-mêmes deviennent in nocents, si l'on a mis plus de vingt ans à les découvrir. Ici même, un roman de Jean Rameau exposa naguère cette bizarre disposition de notre code. Nous disions pendant la guerre que le temps travaillait pour notre juste cause. Depuis qu'on l'a rendu aux labeurs de la paix, le temps travaille pour les criminels, car les espions et les traîtres, pour le même crime qui pendant les hostilités les vouait à la mort, ne risquent plus, si leur culpa bilité n'apparaît qu'aujourd'hui, que des peines anodines d'emprisonnement. A ceux qui, condamnés, expient dans les bagnes ou les maisons d'arrêt, le temps qui n'a pu les sauver apporte du moins des adoucissements et des grâces. Il lime les barreaux des cellules plus sûrement que les ressorts de montre et les prisonniers n'ont plus besoin de préparer pendant des années des évasions destinées à devenir cé lèbres, ils n'ont qu'à prendre patience, puisque leur geôlier recevra un beau jour l'ordre d'élargissement qui les rendra à une liberté parfaitement normale, car la prison ne déshonore plus. Est-ce un signe de civilisation que cette propension au pardon? Pardon n'est-il pas un mot trop noble pour tant de veule mansuétude? La justice n'est-elle pas plu tôt comme tout notre appareil social un peu fatiguée? Il semble que la crimina lité, plus menaçante chaque jour, devrait nous inciter à retremper ses ressorts dé tendus. Janot....