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Le Figaro, 31 décembre 1867

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Le Figaro
31 décembre 1867


Extrait du journal

été en tous temps un spéculateur tant pis, et qui, au fur et à mesure qu'il a fait for tune, dewhig est devenu tory, de baissier haussier, qui est un des personnages les plus originaux de la Bourse. li a toute sa vie fait preuve dé couragé, d'intelligence et d'esprit. C'est à lui qu'accourt chaque malin le flot des baissiers. A peine a-t-il paru, qu'il est assailli de mauvaises nouvelles commerciales, agri-. coles, politiques et financières. Pour lui, on les augmente, on les invente; on chante en chœur autour de lui la guerre, la peste et la famine. La façon dont il écarte tou tes ces chauves-souris, ce qu'il déploie de feintes colères, de bonnes et raisonnables répliques, son inaltérable tranquillité in térieure , font de ce spéculateur tant mieux un type rare de bienveillance et de patience et d'humoristiques réparties. Il s'appelle Adelson Wail, c'est" un de mes vieux amis et qui ne m'en voudra pas, je l'espère, de laisser échapper son nom après avoir parlé de lui. Il appartient à la Bourse comme la Bourse lui appartient, pour avoir su y conquérir en bravé et loyal spéculateur une assez jolie fortune. Le boursier, du boulevard des Italiens, se transporte à la Bourse. Chemin faisant on dit bonjour à son ami Lunel, le chan geur, à travers la vitre. C'est la première maison de change de Paris. Elle est ou verte à toutes les demandes de renseigne ments des publicistes : prix de l'or, cours des valeurs étrangères, répertoires de toutes les, obligations. On arrive : il est midi, midi et quart. Les agents de change ont vu les ban quiers. Les associés d'agents donnent le ton à l'air de la matinée. On demande, on offre, on crie beaucoup. Les carnets s'ou vrent, les crayons marchent. Courtiers, spéculateurs se mêlent. La ronde du sabbat commence. . Elle ne s'écarte pas du péristyle. Pendant ce temps, à l'autre extrémité de la Bourse, les commis d'agents de change se réunissent dans une grande salle ou ils échangent leurs engage ments. Les patrons font leur entrée dans une vaste pièce où ils ont seuls le droit de pé nétrer. , Déjà, dans l'intérieur de la Bourse, en tre en activité le marché des valeurs qu'on convient d'avance devoir être achetées ou vendues au cours iaoyen de la journée. , Le boursier actif* et expérimenté va, vient un peu partout, s'informe; il sait avant d'entrer ea Bourse ce qui se dit dans la chambre des agents, dans la salle des commis, si les valeurs sont plutôt de mandées qu'offertes au cours moyen et ce qui se passe là-bas sous le péristyle où le marché à terme est en ébullition. Il aperçoit à droite entre deux colonnes1, un gros spéculateur, un petit banquier, plus empressés que d'habitude à se rendre à la Bourse, causant entre eux. Il s'ap proche, regarde, écoute, allume un ci gare et se mêle à la conversation. Voilà mon boursier bien préparé pour le combat! Il a vu et entendu tout ce qu'on pouvait voir et entendre jusqu'à midi et demi. " Un peu auparavant les portes se sont ouvertes. La foule s'engouffre à l'intérieur du palais. Le péristyle reste libre. J'ai toujours trouvé le palais de la Bourse un contre-sens. C'est un temple gréco-romain à Paris, avec des colonnades où l'on est fouetté par la pluie et au .dedans une fraîcheur et une obscurité sépulcrales. En Grèce, en Italie, au sommet de quel que amphitéâtre maritime, ce pastiche se rait peut-être à sa place; mais dans un quadrilatère de maisons à six étages, en tre la rue Vivienne et la rue des FillesSaint-Thomas, j'aurais préféré l'éternel provisoire des galeries de bois et de quel ques platanes. Ce temple a moins de rai-, son \d'êire dans la bonne ville de Paris qu'un casque romain sur la tète d'un pompier. Au coin du péristyle, à droite, est la loge du concierge. Cette petite pièce, aujourd'hui si paisi ble, où personne n'entre plus guère, a été jadis fort animée. C'est là qu'est né le bulletin de Bourse. Le bulletinier se faufilait à une grande ta ble, couverte de plumes, de papier et d'écritoires, entre les jambes des agréés qui avaient fait d'une armoire leur vestiaire. Le président des bulletiniers était l'abbé Casse. Il savait avant eux l'histoire des che mins de fer, calculait bien, prisait beau coup et faisait fortune. Il doit avoir quitté la Bourse au bon moment. Je ne sais pourquoi les bulletins de Bourse se sont envolés. Ils ne perchent plus là, tous ensemble. Le boursier passe donc et se dirige vers le parquet. Le Boursier proprement dit, celui dont nous écrivons la journée, va se planter à la balustrade de la corbeille des agents de change, ou dans le couloir der rière le parquet, ou le long des murs qui avoisinent la coulisse, ou au dehors entre les colonnes, pour s'y asseoir, prendre l'air et fumer son cigare. ....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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