Extrait du journal

Un coin du vieux Paris, et l'un des plus pittoresques, va disparaître d'ici peu de jours. La Bièvre va en effet être couverte et sera transformée ainsi en vulgaire égout — depuis les fortifications jusqu'au bout du bief de Croulebarbe. Rien n'est plus triste que la fin de cette petite rivière. D'ailleurs elle avait toujours eu un air mélancolique. On eût dit qu'elle pres sentait ce: qui lui arriverait un jour. En vieillissant, il lui était venu des infirmi tés : elle était devenue insalubre ; on se plaignait d'elle, on trouvait son voisi nage incommode. Et pourtant, de vieux et rares Parisiens l'aimèrent. Huysmans la chanta en un petit volume minutieux et attendri. Ceux qui ont gardé le souvenir de la petite ri vière voudront aller lui dire un dernier adieu. Il faut qu'ils se dépêchent. Elle n'a plus que quelques jours pour se sé parer de toutes les maisons, de tous les arbres qui se regardaient dans ses eaux depuis des centaines d'années. Bientôt elle coulera dans un grand trou noir et elle se souviendra avec tristesse du temps où elle était coquette; où elle avait un miroir clair et fuyant. Mais des souve nirs, ça ne vaut pas des reflets. Rien n'est plus triste qu'une petite rivière qui va mourir. Adieu, petite Bièvre, adieu 1...