Extrait du journal

- Avouez, me dit-il, qu'il est amusant de voir ce pauvre Danton, qu'on appelait « le chef des modérés », aux prises avec des hommes d'une modération aussi avérée que l'est M. le sénateur Wallon. Pour moi, je m'empresse de vous déclarer que j'admire profondément tous les héros de la Révolution, tous ! Mais c'est la grande épopée de l'autre « fin-desiècle », précursive de la nôtre, que je trouva admirable, et non pas le caractère de chacun de ses héros. Et,en particulier, Danton. C'est lui, vous ne l'ignorez pas, qui a entraîné la Révolution loin du courant socialiste et qui a fait dériver ses forces vives dans le sens de labour geoisie. Hébert,Chaumette, tous ceux de la Commune ont été combattus par les dantonistes.Le« babouvisme » n'a pas eu d'adversaire plus obstiné. Or, nous procédons de Babeuf, aujourd'hui, directement, car c'est lui qui rêva le premier de la socialisation de la propriété et de la communauté des biens. C'est vous dire, par conséquent, que. je ne suis pas un fervent dantoniste et que cela ne me chagrinerait pas outre mesure si le gouvernement ne se faisait pas représenter à la cérémonie d'inauguration. Mais, n'ayez aucune crainte à ce sujet. Le gouvernement y sera, devant l'Abbaye, quand le voile se lèvera sur la statue de Danton.N'est-il pas « leur homme » à tous nos dirigeants, aux opportunistes et aux positivistes, à ceux qui ont hérité de la politique et de la philosophie de Gambetta? Puis, Danton, c'est le patriote. C'est lui qui a fait sonner de très haut le grand mot de « Patrie » au Champ de Mars, et cela seul lui ralliera la masse ignorante de ce qu'a été la Révolution, la poussée au pouvoir du parti des bourgeois aux dépens de l'ouvrier, du peuple! »...