Extrait du journal

Le député, absorbé dans sis réflexions. — Heu... heu... grave !... Madame,' s'approchant doucement de lui. — Qu'as-tu, mon ami ? Le député, sans faire attention. — Très grave... Il suffit souvent d'une voix... Madame, mettant la main sur son épaule. — Eh bien ! tu ne m'entends pas ?... Le député, comme sortant d'un songe. — Ah! c'est toi?... Je te demande 'pardon, j'étais absorbé... Madame* — Oh ! je ne te fais pas de re proche... Tu es absorbé, je te comprends, il y a de quoi. i Le député. — N'est-ce pas ? : Madame. —Quelle situation ! Le député. — Oh oui !... Madame. — Quel gâchis ! quelle incertitude partout !' Le député. — J'avoue que je suis fort per plexe. Madame. — D'abord cette affaire mysté rieuse... Le-député. — Quelle affaire ?... Ah ! l'af faire Dreyfus... Ma foi, ce n'est guère à cela que je pensais. . Madame. — A quoi penses-tu?... à la poli tique étrangère ? Le député. — La politique étrangère m'est bien indifférente... < Madame. — A la question sociale, .peutêtre ? Le député. — Elle n'a aucune importance, la question sociale. Non, je pensais que le père Méchu vient de mourir... Madame. — Tiens ! le père Méchu... notre voisin à la campagne ? ' Le député. — Lui-même... Un homme qui votait toujours pour moi, un de mes plus an ciens électeurs... _ Madame. — C'est fâcheux ! Le député. — C'est de la dernière gravité. Je vais être très combattu aux prochaines élections ; une voix de plus ou de moins peut m'empêcher d'être' nommé. La mort du père Méchu me prive peut-être de cette voix, et tu dois comprendre combien je m'en fiche de l'affaire Dreyfus, de la politique étrangère, de la politique coloniale, du budget, des octrois et de toutes ces blagaes-là !... If s'agit d'être nommé. Le reste ne compte pas. ; Alfred Capus....