Extrait du journal
garde aux autres [femmes !.. Puis, de son côté, le moine Georgios lui dit avec autorité : Je te connais, j'ai lu dans ton âme profonde, Comme on voit les écueils sous les troubles de l'onde. Deux hommes sont en toi : l'un bon, fidèle,aimant; L'autre, géant d'orgueil qui cherche le moment De bondir sur la proie et de toucher son rêve. C'est co dernier, mon fils, qui maintenant se lève ! Tu ne veux pas du Christ'! C'est que ta vanité T'inspire je ne sais quelle rivalité. Tu l'admires, dis-tu ? Mais par un stratagème De ton orgueil, en lui tu t'admires toi-même, Car tu crois égaler quelque jour sa vertu, Sa gloire, son triomphe ; eh bien, l'oserais-tu?... Quand tombait à ses pieds la grande pécheresse, Des cœurs qui la jugeaient voyant la sécheresse, Il pouvait .les blâmer sans trouble et sans ennui, Car tout l'azur du ciel était entre elle et lui ; Ses lèvres n'ont jamais touché la coupe amôre, Et son cœur n'a connu qu'une îemme : sa mère!.. Si tu n'es pas chrétien, du moins donne à la terre L'exemple et la leçon d'une morale austère ; Renonce, par ta libre et ferme volonté, A tout amour vulgaire, à toute volupté ! Auras-tu cette force, auras-tu ce courage ? . . . Dans ton cœur, ton àme et ton esprit, Mahomet, souviens-toi du nom de Jésus-Christ Voilà le drame dans ses deux idées fondamentales : le danger de la femme, la préoccupation constante, la jalousie latente du christianisme. Quinze ans se sont passés. Mahomet a réussi dans sa gigantesque entreprise. Il est le maître de l'Arabie ; il a brisé Juifs, Persans, Grecs, Romains de By zance ; son triomphe est complet et la lutte ne sera plus qu'en lui-même. L'acte suivant nous conduit dans une oasis, devant un temple en flammes. Une tribu juive s'enfuit pour échapper à la mort, mais une prophétesse jeune et belle, Sofia, demeure avec le secret des sein de renouveler Judith et de venger sa race écrasée. Elle y sacrifiera, s'il le faut, son hon neur de vierge. Sa haine passe par dessus tout. Elle pourrait tuer Mahomet; elle aime mieux l'atteindre au cœur par un autre moyen. Il faut abaisser l'homme afin d'abaisser l'œuvre ! La femme préférée du . Prophète, Ayesha, ressent une ardente passion pour un.de ses lieutenants, Safwan, qui, de son côté, brûle d'un feu contenu pour celle qui lui paraît au-dessus de ses rêves. Sofia, par de perfides manœuvres, les jette dans les bras l'un de l'autre, sans que d'ailleurs Ayesha donne autre chose que son âme dans un baiser. Mais c'est assez pour que le cœur épris du Prophète en souffre deux fois : dans son orgueil et dans sa tendresse. Toutefois, avant de condamner la cou pable, il veut l'entendre, et la scène est d'une grandeur - et d'une beauté morale rare au théâtre. Quand Mahomet a fulminé ses accusa tions contre celle qui l'a trahi, la femme se redresse, et après avoir prouvé qu'elle n'a pas commis l'adultère, elle accuse à son tour le maître qui la condamne : Les hommes tels que toi, tout est jouet pour eux, Ils croient queleurbonheurne fait que desheureux! —Ah ! tu pouvais pourtant, dansl'his toire du monde, Trouver une leçon plus juste et plus profonde : Un jour tu nous parlais, en un long entretien, Du fils de Myriam, 1e prophète chrétien, Et je compris dès lors, — hélas ! sans espérance, Entre Jésus et toi quelle est la différence : Toi, tu ne vois que 1 homme ici-bas, le seigneur, Le maître, le gardien sombre de notre honneur, Le pasteur du troupeau ! Ta loi dure proclame, Respire à chaque mot le mépris de la femme ; Servante du plaisir et de l'amour brutal, Dans ce monde elle va portant ce joug fatal, Et, pour en faire eneor la victime éternelle, Ton paradis lui-même est un affront pour elle ! Voilà ce que ta loi nous donne ou nous promet, Voilà notre destin et voilà Mahomet ! Lui, Jésus, il a mis,au lieu d'un joug infâme, L'étoile du matin sur le front de la femme 1 Il a fait d'elle, au lieu de l'esclave dompté, L'éternelle vertu, l'immortelle bonté, Et, pour forcer partout l'homme injuste à se taire, A celui dont l'orgueil la courbait jusqu'à terre, Il dit : « Au haut du ciel, dans l'ombre du saint lieu, Regarde : c'est ta mère à côté de ton Dieu ! » Mahomet écoute en frémissant cette glorification d'un Dieu et d'une foi dont l'idée le poursuit sans relâche, et fuyant Ayesha, qu'il aime encore malgré fout, il va chercher un instant de silence dans le temple incendié par ses sol dats. A peine y est-il entré, que ses regards y rencontrent une image du Christ restée à la muraille. Il s'en irrite ; cette image le blesse ; il la défie : Pourquoi donc devant toi baisserais-jo les yeux ? ... Un peuple, incliné sous mes règles, A pour seul horizon l'ombre que font mes aigles 1 Je marche de splendeur et d'effroi revêtu ; Je suis donc ton égal! —Mahomet, qu'en sais-tu? — Je le sais I Entre tous les êtres, dans les âges, Qu'ils aient été cléments, forts, terribles ou sages, Qu'ils se nomment César, Zoroastre, Attila, Aucun ne fut plus grand que moi ! — Mais celui-là? — Comme lui, cependant, j'ai refait ma patrie, J'en ai chassé ce monstre impur, l'idolâtrie ; Chamelier, comme lui le fils du charpentier, J'ai suivi le céleste et lumineux sentier ; Je n'ai jamais été de clartés économe ; Mon reflet restera sur la face de. l'homme, Je suis grand, je serai plus grar.i | Oui. je crois ; V oilà mon sceptre à moi, le saljre i — Mai&la croix ?...
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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