Extrait du journal

La dépouille mortelle de M. Doumer sera conduite aujourd'hui de l'Elysée à Notre-Dame et au Panthéon par le peuple de Paris et par les représentants de la France en deuil. Mais la veuve du Président a voulu que cet hommage populaire et ces hon neurs officiels une fois rendus, M. Doumer allât dormir son dernier sommeil auprès de ses fils, dans la sépulture familiale, au cimetière de Vaugirard. On ne saurait s'incliner avec trop de respect de vant une pareille décision. Au milieu des folies dont nous sommes chaque jour les spectateurs, au milieu de ces explosions de vanité, de ces incohérences qui font parfois douter de l'avenir, cette manifestation de sagesse, de modestie, d'attachement aux tradi tions, aux habitudes familiales apporte un véritable réconfort ! C'est une femme éplorée qui, dans son affliction, nous donne l'exemple et nous indique à tous ce qui demeure plus fort que la mort : la fa mille ! Dans le désarroi de l'Etat, dans l'écroulement de tous les cadres où la faiblesse humaine trouvait ses soutiens et ses appuis, il ne nous reste qu'un refuge, qu'une protection, qu'une promesse de durée : la famille ! La société qui a été domestique avant d'être publique, et familière avant d'être politique, ne saurait retrouver de force et de cohésion que dans la restauration des moeurs familiales, on serait tenté d'écrire patriarcales !... Notre piété ne s'inquiète que des naissances ou des morts des individus, la politique ne devrait s'in téresser qu'aux naissances et aux morts des familles, car seules elles comptent vraiment dans la vie natio nale. Une sépulture familiale, une tombe entretenue avec une piété filiale, c'est la mort vaincue, c'est la patrie continuée ! Admirons, remercions Mme Dou mer d'avoir compris la grandeur de cette pensée, d'avoir affirmé que la place d'un chef de famille, quelque rôle qu'il ait joué, de quelque dignité qu'il ait été revêtu, est entre ses enfants. Il y a plus de grandeur sous l'humble dalle où reposent ensemble les quatre fils tombés pour la patrie que sous la lourde coupole du Panthéon. La tempête révolu tionnaire que l'on s'efforce de déchaîner sur notre pays vient se briser sur le granit de pareilles tombes ! Il y a des choses plus fortes que les hommes et les gouvernements, plus fortes que tout, car elles ont la . force de la nature même : lè sentiment qui relie les membres d'une même famille est de ces choses. Nos idéologues reconnaissent qu'il y a des lois pour la société des fourmis et celle des abeilles, mais ils se flattent qu'il n'y en a point pour la société des hommes, qu'ils peuvent remanier au hasard de leurs inventions ou de leurs préférences. Les événements les contraindront bien à revenir de leur erreur ! Et quand il faudra rechercher les lois oubliées de la société publique, on les retrouvera dans la constitu tion de la société domestique... En ce jour de deuil national, quand de sombres pressentiments flottent derrière les crêpes, c'est à de telles vérités, à de tels espoirs qu'il faut rattacher nos pensées....