Extrait du journal

Tandis qu'on danse à Deauville, on tra vaille à Paris. La grande semaine des courses est aussi la grande semaine des exhibitions, dans le monde de la'couture. C'est en ces jours de canicule que naissent les modes du prochain hiver. Et il faut avoir assisté à un défilé de mannequins, sous un ciel orageux, pour comprendre de quelle activité et de quelle endurance les filles de Paris peuvent être capables. C'est le spectacle le plus pittoresque du monde. Il contient, au surplus, un raccourci du monde entier puisque l'assistance y est com posée de messieurs et de dames commission naires venus de tous les points du globe. Imaginez un de ces grands salons en rotonde voisins de la place de l'Etoile, où une tren taine cle personnes sont assises contre les murs et parlent toutes les langues. Un habi tant de Montréal y coudoie le propriétaire d'un grand magasin de Sydney. Et j'y ai vu une Chinoise en costume tailleur, commander des capes pour sa clientèle de Pékin ! Cependant voici les mannequins. Les jolies filles que l'on nomme ainsi, entrent et s'avan cent à travers les salons avec cette démarche onduleuse et cadencée — un peu artificielle — qui n'appartient qu'à elles. Variété des tissus et des formes et des couleurs. Variété, aussi, des types féminins, de la « petite femme > à la « belle femme », de la Vénus presque androgyne à la Vénus presque callipyge. Variété, encore, des visages. Il y aie man nequin pour robes de mariées. Figure pu dique, cheveux blonds, expression d'innocence, sourire un peu gravé, émotion contenue, ah ! la touchante mariée ! Il y a le mannequin demoiselle d'honneur. Visage adolescent, joues à fossettes, maintien réservé et coup d'œil espiègle. Robe de style, taffetas à bouquets et boutons de rose. Il y a le mannequin, genre excentrique.C'est une petite femme très délurée. Elle.va lacanne â la main, le menton haut et les yeux rieurs. Sa robe extravagante se pare de brins de plumes qui dansent autour de ses hanches dansantes; Le mannequin spécialisé dans le costume tailleur est une longue demoiselle que l'on est...