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Le Figaro, 18 décembre 1924

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Le Figaro
18 décembre 1924


Extrait du journal

((Si vis paeem» Quand j'étais petit, je n'étais pas grand, et l'on crut devoir nie conduire, avec mes deux frères et nies douze sœurs, à un arbre de Noël glorieux. Un maître de maison, rempli de faste, l'avait organisé en notre honneur ; et il avait bien fait les choses. Des dizaines de jou joux différents faisaient plier les branches d'un petit arbre tout illuminé. Il n'y eut pas d'abord de cris de joie, mais un murmure de stupeur. Cinq minutes après, ce fut une effroyable bagarre. On avait commencé à distribuer les joujoux. Et personne n'était content de ce qu'il avait reçu. Car nul degré d'éducation, nulle miss, aucune nurse, aucune menace de gifles, ne pouvait mettre tout le monde d'accord. Mais chacun voulait ce qui avait été donné au voisin. Et tel qui avait obtenu un cadeau magnifique poussait d'affreux hurlements pour recevoir, .comme d'autres inoins heureux^ une toupie de deux sous... Le maître de maison qui m'a raconté cette histoire m'a dit que cela l'avait instruit pour l'avenir, et qu'il avait décidé de ne plus ja mais oflrir que des arbres de Noël où les objets seraient tous pareils et produits en série II espérait ainsi ramener la paix parmi ses bons petits amis. 11 ajoutait (et dans l'instant où. commen cent les expositions de cadeaux, où vous allez faire votre choix, et inonder vos rela tions des bienfaits les moins attendus, nous avons jugé que ces conseils pouvaient être nécessaires), il ajoutait : — Aux grandes personnes... Et il souriait malicieusement, Aux grandes personnes, je ne donne plus, ma foi, que des bonbons. Je voudrais leur faire des cadeaux utiles. Je voudrais, assurément, pouvoir offrir à l'un des crava tes (car les siennes me choquent toujours), et à l'autre des leçons d'anglais (car .il croit le savoir, et il l'ignore) ; à un tel fin abon nement de police privée, car sa femme en fait la risée de ses meilleurs amis, et à tel autre enfin le petit chèque par lequel il fe rait plaisir à son boulanger. Mais, peut-être que mes cadeaux seraient mal interprétés. Et je me borne à leur envoyer des bonbons, ce qui est vide de_ «eus mais dépourvu de tout inconvénient... Une boîte de chocolat n'a peut-être pas d'autre signification : Voilà pour vous. C'est haual. Mais je n'ai pas osé vous envoyer ce qui vous convient... ' , C'était un sage. Et les bonbons, cette fois encore, aideront bien des gens à sortir, d'em barras. Allons !•. - i Courez chez le confiseur tout te suite..* Des bonbons, c'est ce qu'il faut à vos amis, c'est tout ce qu'ils méritent. . Ou alors, si vous êtes courageux, faites leur des cadeaux, essayez de leur être utile. Donnez à l'un le Code de la Bonne Tenue, à l'autre de l'argent, à celui-ci l'adresse d'un tailleur, à celui-là un chapeau à sa taille, prévenez celui-ci qu'il a l'accent de la Picardie et offrez à ce dernier un traite ment â l'Institut des bègues... Mais alors, ayez une cotte de mailles, por tez un browning, et clouez votre porte au mur, pendant les quelques jours où vous attendrez votre départ très urgent pour le fond de l'Amérique du Sud... Hervé Lauwick....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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