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Le Figaro, 20 février 1885

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Le Figaro
20 février 1885


Extrait du journal

Leprince.de Galles n'a passé que'vingtquatre heures à Paris en revenant de Cannes. L'ouverture du Parlement anglais le réclamait. Paris regrettera de ne l'avoir pas vu plus long temps. Même les républicains qui pardonnent difficilement aux princes de n'être point nés huissiers-iaudiencîers trouvent le prince de Galles bon garçon. Ils savent gré à cette ' Al tesse de se laisser toucher et manier, selon le mot de Vauvenargues. D'ailleurs, le Prince a déjeuné en cabinet particulier avec Gambetta et l'on ne peut pas tenir rigueur à un futur roi qui a attaqué un filet chateaubriand en compa gnie d'un fils d'épicier républicain. Quant aux anciens partis ils trouvent égale ment le prince fort avenant. Le maréchal Canrobert notamment est très touché de recevoir sa visite périodiquement, en souvenir de la confra ternité* des armées anglaises et françaises en Grimée. Enfin au cercle de la rue Royale dont le Prince est un des assidus, on lui sait gréd'être beau joueur. Ce n'est pas comme ce pauvre prince d'Orange qui faisait quelquefois uae douce musique sur un gros coup de perte. Le fils de la reine d'Angleterre reste aussi im passible devant un tirage à cinq que l'armée de sa mère devant les hommes du Mahdi. Du reste il ne prend pas à Paris un masque d'affabilité d'emprunt. En Angleterre, il n'est pas moins vivant et de belle humeur. Il aime beaucoup à donner des sobriquets plaisants à ses amis, et ses repas sont fort gais. Très plantureux aussi ces repas. A Sandrighara, la cuisine est occupée à la fois par trois chefs : un Anglais, un Français et un Russe. Chaque jour, le prince se fait faire trois dîners de ' plats toujours nouveaux. Aussi les trois artistes, à. bout d'imagination, se sont-ils cotisés pour débaptiser les mets, quand ils ne peuvent plus les changer. Ce triple dîner est agrémenté par les accords du pibroch, joué par un Highlander qui suit partout le Prince. Puis on passe au fumoir, dans lequel le futur souve rain' du Royaume-Uni veille souvent jusqu'à une heure avancée de la huit. Très variée et très amusante la vie qu'on mène à Sandrigham. Aux séries, le prince et la princesse n'invitent qu'une dizaine de-femmes et une quinzaine d'hommes. C'est en automne et l'on chasse tous les jours à tir. Les femmes doivent être décolletées et en grande tenue tous les soirs. La princesse de Galles, dont on connaît la beauté et la grâce, est très aimée de ce brillant centre mondain, mais elle a quelquefois des retours patriotiques vers son cher Copenhague. Une dame française lui disait un jour : — Votre Altesse parle toutes les langues, allemand, anglais, français... — Et pense en danois, a-t-elle interrompu. Cette petite cour d'héritier présomptif à Sandrigham fait contraste avec la retraite aus tère où vit la reine Victoria, et d'où elle exerce une police sévère contre l'invasion des mœurs et modes nouvelles, importées par l'héritier de la couronne. Un jour, aux courses, le prince de Galles voulait faire entrer Isabelle, l'ancienne bouquetière du Jockey-Club, dans la tribune...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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