Extrait du journal

Les commissions d'enquête vont prendre huit jours de congé. Elles le peuvent et leur hésitation à partir était su perflue. Elle ne font plus recette. Elles son) le spectacle d'hier et leur affiche se dé chire. Les préoccupations sont ailleurs. J-es premiers décrets d'économies seront promul gués mardi. Il faudra que le gouvernement les exécute, c'est-à-dire qu'il gouverne sous peine de ne plus être. Il faudra que ceux qu'atteindront ces économies comprennent qu'il est de leur intérêt de se soumettre à la nécessité commune et qu'il vaut mieux toucher des traitements ou des pensions ré duits que de recevoir des émoluments in tégralement payés en francs à un sou. Les intéressés écouteront-ils les excitations du Populaire et de l'Humanité? Entendront-ils les appels de M. Doumergue ? Voilà la question ; elle est plus poignante que celles qui sont posées au Palais-Bourbon. Les commissaires enquêteurs ont cru de voir justifier cette pause pascale, que la fati gue et l'usage expliquent assez, en livrant quatre parlementaires à la vindicte ralentie du garde des sceaux. Ils ont voulu apporter dans leurs circonscriptions cette preuve de leur agissante vertu. Mais pourquoi dans ce panier d'œufs de Pâques n'en a-t-elle pas mis davantage ? Pourquoi ces sus pects-là et non d'autres? Il est certains sei gneurs aussi compromis et qui sont depuis bien des semaines séparés de Dubarry leur ancien inséparable ? Quand le rejoin dront-ils ? A coup sûr, ce n'est pas du tout cette transmission de dossier au garde des sceaux qui marque le résultat véritable auquel sont arrivés, sans le vouloir peut-être, les commissions d'enquête. De ce résultat, M. Georges Mandel a trouvé l'heureuse formule en questionnant un témoin sur la façon dont sont payés les indicateurs de police : par des versements d'argent, ou par des « facilités de justice » ? Le régime des « facilités de justice 3> voilà ce qu'ont découvert aux yeux de la foule qui n'en avait que le soupçon, les 44 commissaires fouillant les dossiers Stavisky. De cette facilité le pays était en train de mourir. C'était là une des monnaies parlementaires que l'élu répandait dans sa clientèle et parmi ses camarades. Elle était si connue, si courante que Germaine Huot, aussitôt après son crime, songeait à son groupe parlementaire. Elle espérait sans doute faire lever cette contravention crimi nelle, maquiller le meurtre en suicide... Elle exagérait son pouvoir. Mais en vertu de cette facilité, ce qu'est la loi pour les simples citoyens ne l'est ni pour le législateur ni pour ses amis. Qu'il s'agisse de passeport ou de carte de casino à délivrer, qu'on envisage une autorisation d'entreprise ou une promotion de préfets, il n'est plus de règle pour la foule des recommandés. Tout leur est préférence et commodités. La République des camarades a poussé le bon garçonnisme électoral jus qu'aux pires complicités ; elle a frappé sa monnaie de favoritisme au détriment des honnêtes gens, assujettis à des règlements sans cesse plus nombreux. Faut-il s'étonner de la nervosité publi que ? Chaque jour, sans qu'il arrive par ailleurs aucun allégement à nos soucis, au cune satisfaction à notre besoin de vérité, la démonstration de cette faillite nous est ap portée au réveil et jusqu'au soir. Les quel ques jours de répit que nous donneront les vacances des commissions seront, pour tous, salutaires, en attendant qu'enfin la poli tique sorte de cette salle d'attente où l'on étouffe en redoutant l'orage....