Extrait du journal

Un immense hangar ; des chars d'assaut. lourds et légers ; des modèles de moteurs coupes en deux pôur mon trer le fonctionnement du mécanisme. De tous cotés, séparés les uns des autres par des écrans couverts de toile d'embal lage, des groupes de huit à dix jeunes hommes sont assis autour de tables chargées de pièces détachées. Tous portent la combinaison bleue du mécanicien et le béret de nos chas seurs alpins. Au centre de chaque groupe est un instructeur, officier ou sous-officier. L'ensemble forme l'un des futurs régiments du Corps Royal des Tanks. — Blackwell, combien faut-il d'étincelles pour un cycle complet du moteur ? Ce qui frappe le visiteur français, c'est d'abord la qua lité des instructeurs, la clarté de ïeurs explications, la pré cision de leurs questions, leur patience et leur indulgence. C'est ensuite la nature empirique de cette instruction. Peu ou point de théorie. J'ai vu au tableau noir quelques dessins Je machines, jamais une formule mathématique, et, s'ils peuvent quitter le tableau pour revenir à l'objet lui-même, instructeurs et soldats se sentent aussitôt plus à l'aise. Ces Anglo-Saxons ont besoin d'enfoncer solidement leurs pieds dans le réel. Dès qu'ils savent démonter et remontér leurs armes, les conscrits commencent l'apprentissage du tir. Autour d'une immense chambre est un diorama qui représente un paysage français. On y voit des villages, des clochers, des fèrmes isolées, des meules, des croisements de routes. Au centre est un char muni de son canon, dans le char un canonnier, debout dans la tourelle un chef de pièce. Un sousofficier instructeur montre au chef de pièce un point du diorama, —- Cette mitrailleuse ouvre le feu sur vous... Vous voulez la réduire au silence... Donnez vos ordres. La jeune tête blonde s'anime. — A gauche... Dix heures (l'heure indique la position du canon sur,un cadran idéal)... Une haie noire à deux tra vers de doigt d'un clocher... Hausse : 600 mètres... Feu !... Il n'y a pas d'obus dans le canon, mais un pinceau de lumière vient frapper le diorama au point visé par le canonnier au moment ou il a tiré. Le coup est trop court, — Plus cent mètres... Le pinceau lumineux frappe la haie. L'instructeur choi sit un autre objet. — A droite... Quatre heures et demie... Hausse : douze cents mètres... Lisière ouest du champ de betteraves. Feu !..« Tel est le premier stade. La chasse aux ombres Nous passons dans la salle voisine. Elle contient de curieuses machines. Ce sont des chars dépouillés de leur armure et montés sur des traverses oscillantes qui leur im priment des mouvements de bascule analogues à ceux qu'en gendrerait un terrain accidenté. Devant .chacun des chars est un paysage, non plus cette fois peint sur une toile circu laire, niais modelé en miniature sur une longue plate-forma chargée de terre. Là sont des petites maisons en carton, des lignes de chemin de fer semblables à celles des jouets d'enfants et des chars minuscules qui se déplacent sur le terrain. Le décor rappelle les maquettes que l'on voit dans certains musées ; quant aux armatures des chars, animées de mouvements brutaux et bizarres, elles évoquent les pareg d'attraction de Luna-Park ou de Coney Island. (Lire la suite en deuxième page)...