Extrait du journal
semaine, à l’heure du thé. Mais, souvent, ils s aimaient, dans les hôtelleries de la ban lieue, se cachant, comme des amants adul tères. Et cependant, ils étaient libres tou< deux. Tout d’abord, Michel ne chercha pas à comprendre les raisons de son amie. Il goû tait son bonheur, délicieusement, simple ment. Simone était une adorable maîtresse, câline et voluptueuse; son beau corps sen suel, aux seins fermes, aux cuisses moel leuses, vibrait en amour avec une perfec tion inouïe, recevant et donnant merveilleu sement la joie, 1 exaltant jusqu’à l’extase... En écoutant, cette nuit-là, les babils de Simone, Michel constata des réticences, des contradictions, des mensonges. Pourquoi semblait-elle troublée, angoissée ?... quel mystère cachait-elle,qui,malgré son adresse, se trahissait ainsi par des paroles impru dentes !... A partir de cette nuit, l’amant espionna l’amie, la suivit, s'adressa à une agence louchede policeprivée,et finit par apprendre que Simone avait un protecteur, le vieux comte de Saint Donatien. 11 souffrit atrocement, pendant trois jours et trois nuits, ne pensa qu’à mourir. Simone qui d’habitude avait chaque matin une lettre de l'ami, s’étonna de ne plus recevoir ces billets tendres qui l’enchantaient. Elle crut Michel malade, accourut, un soir, le trouva défait, pâli, douloureux... — Mon cher amant, qu'avez-vous donc? dit-elle affolée; et pourquoi ne m’avoir pas prévenue ? Dites, pourquoi m’avez-vous laissé ignorer votre mal ?... 11 ne voulut rien dire, et la laissa partir, inquiète, désolée. Mais, dès le lendemain, dans une lettre brutale, il lui reprochait sa trahison, l’accusait de n’avoir été qu’une comédienne ignoble, l’injuriait lâchement, et lui déclarait qu'il partait pour plusieurs mois en Amérique, pour tuer jusqu’au sou venir d’un amour maudit! Lorsqu’il revint, trois mois plus tard, le cœur saignant encore, — car rien n'avait pu arracher de son cœur l'image enchanteresse de Simone ni effacer de sa chair l'empreinte de l’amoureuse, il trouva une longue lettre dans laquelle la douce amie, humblement, cherchait à se justifier... a Le comte de Saint-Donatien, disait-elle, depuis trois ans est mon amant, c'est vrai; mais, à une époque pénible de ma vie, il a été monsauveur ; il m'a empêchée de tomber dans la misère: c’est un ami généreux, que je n’aime pas d'amour, mais à qui je suis el serai éternellement reconnaissante de s;bonté. A vous, mon pauvre Michel, j’avait tout donné de moi, ma chair, mon esprit el mon cœur. Je vous aimais éperdument et sincèrement. J'aurais accepté, avec vous, la médiocrité, la misère même. Mais j’ai su que votre famille s’inquiéterait d’une liai son complète entre nous, et que je serais un obstacle à votre avenir. Alors, j’ai accepté de n ôtre rien, que la pauvre petite amie qui donne, quelques semaines, quelques mois, du plaisir. Je vous aimais comme mon pre mier et mon unique amour... Et vous avez tout brisé!... Je suis très malheureuse, je souffrirai toujours... mais toujours je béni rai ces heures de vrai bonheur, d’une in comparable ivresse, que j’ai connues par vous... » Michel, alors, comprit qu'il avait été un fou et un tueur de bonheur! Il espéra un instant ressusciter sa joie. 11 courut chez Simone. Mais elle était partie, disparue, après avoir vendu son mobilier somptueux, les bibelots, les tableaux qui ornaient son nid de femme riche et coquette ! * * * Oh! ne demandez rien à la bouche de la femme que des baisers, de douces paroles d’amour!... Oh! ne cherchez jamais le secret qu’elle cache... Même quand elle ment, écoutez ses babils : effacez tendrement la trace des paroles fausses sous des caresses sincères ! BOUGUENAIS....
À propos
Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.
En savoir plus Données de classification - rosette
- philippe v
- gabrielle d'es
- georges de lys
- paris
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