Extrait du journal
Jean Richepin n’est pas électeur. — Il est privé de cette douce satisfaction, si chère à des tas de coquins et d’idiots : déposer une ou deux fois par an, un bout de papier maculé d’un nom, dans des boî tes pas propres qui s’appellent des urnes électorales. Pas électeur ! C'est-à-dire que le conseiller munici pal de son quartier ne le tient qu’en mé diocre estime, et ne le gratifie point chaque hiver d’une belle invitation au bal de l’Hôtel de Ville. Il y a quatorze ans, Richepin publiait un livre qui se trouve dans la bibliothèque de tout honnête homme et de tout lettré: la Chanson des gueux, cette moderne et vibrante épopée, pleine de sève et de sang, une œuvre bien venue, robuste, qui subsistera encore quand, depuis longtemps tout le fatras des rimailleurs contemporains, même académiciens,aura été vendu au kilog chez les marchands de vieux papiers. Or, il se trouva des juges, qui ne s’ap pelaient pas Toutée, et qui, cependant trouvèrent que la morale avait été grave ment atteinte par c ?s vers : Je suis le fils d’nne gueuse Qui, dans ses désirs, fougueuse Comptait ses maris par cents ; Si bien que les médisants M’appellent nœud de vipères, Enfant de trente-six pères, Sans compter tous les passants. Je n’ai pas connu la fille Qui m’a fait cette maquille De me cacher mon papa. Lorsque la mort l'attrapa Elle ferma la paupière En dansant de la croupière Sans dire : Meâ culpa. Moi, depuis, je cours les villes, Tout plein de façons civiles Cherchant mon père avec soin, J’ai fouillé partout, bien loin Et, ma foi,je désespère De jamais trouver ce père, Uue aiguille dans du foin ! En attendant il faut vivre Et payer quand on est ivre, Donc, je vole. C’est charmant ! Et c'est bien mon droit vraiment. Car si je vole à la ronde, C’est ce monsieur Tout-le-Monde. L’ancien mari de maman. Et le poète vaillant, sincère, dont les œuvres ne fleuraient point les écœurants parfums pourléchés sous des robes de marquises, mais avaient d’âcres senteurs, plus capiteuses et plus saoulantes, dont les vers étaient un nouvel et superbe or nement à notre littérature anémiée, fut condamné ; il fit un mois de prison, fut privé de ses droits civils. Or malgré l’acharnement de la justice, Richepin, qui est un mâle, a marché droit son chemin ; il a continué son œuvre, a chanté de nouveaux vers : la Mer, les Blasphèmes, et les admirables poèmes qu’il sème en les colonnes du GU Blas\ il a écrit des romans qui s’appellent la Glu, Braves Gens, le Cadet ; il a pris d’assaut une des meilleures places —...
À propos
Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.
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