Extrait du journal

Parmi les grandes figures qui ont illustré le xvi’ s., il n’en est pas de plus fortement marquée que celle de Théodore Agrippa d’Aubigné ; — figure remarquablement composite aussi, puisque le Huguenot intransigeant se double du gai conteur qui, dans les Aventures du B”" de Faeneste, s’est « récréé, comme il le dit luimême, à la description de ce siècle en ramassant quelques bourdes vraies ». Sa vie, son œuvre, son caractère ne sont que variété et contraste. C’était d’abord un soldat, — soldat combattant pour sa foi, comme le Seigneur de Montluc avait combattu pour la sienne, avec autant de férocité que Montluc, avec plus d’enthousiasme que lui ; c’était un adversaire violent, entêté, grondeur, orgueilleux, maniant non sans rudesse l’ironie et le sarcasme. 11 n’est donc pas de genre, parmi ceux où il s’est essayé, qui paraisse lui convenir mieux que le libelle (on dira plus tard le « pamphlet ») ; son talent fougueux de polémiste s’entend à fronder, à censurer, à vitupérer, à invectiver : il ne s’en est pas fait faute dans sa véhémente épopée des Tragiques, où, d’ailleurs, ainsi qu’on l’a finement observé, la véhémence, quelque peu tendue, l’empêche d’atteindre à l’éloquence, comme d’atteindre à l’esprit....