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Le Gaulois, 2 septembre 1927

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Le Gaulois
2 septembre 1927


Extrait du journal

Il y a aujourd'hui soixante-quinze ans que naissait, en terre picarde, dans la capitale même de cette vieille province, un enfant qui devait être Paul Bourget. Les hasards seuls d'une vie de fonctionnaire avaient fait que sa famille se trouvât alors en ce lieu, car le père du grand écrivain était ori ginaire de la partie du Languedoc appelée long temps le Vivarais, et dont le sol volcanique est aussi tourmenté que le fut son histoire au temps des guerres de religion. Les réflexions sur les origines d'un écrivain ne sont jamais vaines, mais elles se révèlent particulièrement précieuses quand elles s'appli quent à un psychologue et à un moraliste comme M. Paul Bourget, dont la rare sagacité d'analyse s'est toujours conformée au triple principe énoncé par Taine: le temps, la race et le milieu. Et, de cette discipline acceptée selon les lois de l'observation rationnelle, de cette méthode intellectuelle dont il a extrait la vertu au point d'en créer une science, celle de la biologie sociale, le maître dont nous saluons, en ce jour jubilaire, l'activité féconde, a dégagé, pour son pays, toute la valeur d'une règle morale. Car, hors des notes biographiques et biblio graphiques inutiles à l'exposé djune. œuvre con nue de tous et bien loin d'être achevée, c'est le grand serviteur de l'idée et de-la continuité françaises que nous voulons vénérer aujourd'hui. Peu de temps avant que la mort n'interrompît le principat de son destin littéraire, Maurice Barrés disait Je crois, et je souhaite ne pas me tromper, que ma Chronique de la Grande Guerre sera, entre toutes mes œuvres, celle qui restera le plus. » Je ne sais si un auteur est suffisamment libre pour se prononcer et pour choisir entre les éléments de sa propre produc tion, mais s'il me fallait désigner quels sont les ouvrages de M. Paul Bourget qui demeu reront le plus profondément liés à «l'avenir de l'intelligence » et au bien de la chose publi que, je dirais : « Les Essais de Psychologie contemporaine. Un Divorce, L'Etape et L'Emi gré. » Certes, je n'ignore pas ce que possède de vertu, au sens latin, un roman comme Le Disciple, comme Le Démon de Midi, ou comme cet admirable Nos Actes nous suivent, grâce auquel M. Paul Bourget, départageant le poten tiel de Georges Sorel, apparaît, entre tous les hommes de notre temps, comme celui qui a le mieux _ compris ces deux grandes forces qui revendiquent l'univers contemporain: l'orienta tion fasciste et l'orientation communiste. Mais, avec les cinq ouvrages que j'ai cités d'abord, nous avons l'écrivain dans son expres sion complète et le Français dans sa signification la plus haute. ■ Les hommes de ma génération, qui eut vingt ans en 1914, sauraient d'autant moins oublier de tels titres que le seuil de leur jeunesse fut ravagé par le mépris des enseignements que l'auteur de L'Etape s'emploie à restaurer. Pour reprendre un de ses vers, « l'esprit divin qui luit dans l'étoile et dans l'âme » q réintégré, grâce aux leçons réactionnaires qu'il a puissam ment contribué à répandre, la vie des élites et le savoir humain. Et quand il songe à l'avenir de cette semence civilisatrice, c'est vers « ceux qui montent » qu'il se plaît à se tourner... 11 y a quelques mois, au cours d'une de ces visites que le maître aime à faire au Gaulois, M. Paul Bourget nous disait: « Dans l'ancienne Egypte, la connaissance des astres influençait l'organisation politique. Ce n'était pas un mal. Quel enseignement d'expérience, de durée et de fixité ! » Le labeur et l'existence de M. Paul Bourget sont un, eux aussi. Toute la culture, qu'il honore, vénère en lui un maréchal des lettres, car, de sa rectitude dans la pensée, de sa fécondité clans l'action, de sa probité dans la tâche, quel Fran çais ne lui témoignerait, au nom de. la fierté nationale et de l'ordre, une gratitude infinie ? Gaétan Sanvcisin...

À propos

Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.

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