Extrait du journal

prenne qu'il ne faut pas faire à autrui ce qu'on ne voudrait pas qui nous fût fait ; que "voler le bien d'autrui est une action condamnable, que mentir est une honte, que se dévouer est un honneur, que l'é— goïsme est un vice haïssable._ Peu importe au nom de qui ces vérités soient enseignées ; il est certain que l'on doit en imbiber, dès leur plus jeune âge, lés âmes de nos écoliers, et, de fait, je ne sais aucun maître qui y manque. Mais les enfants ont l'esprit fait de sorte que les vérités ne sont visibles pour eux et ne les touchent que si elles prennent, pour ainsi dire, un corps; si elles se montrent aux yeux sous_ une forme sensible ; si elles se cristallisent, en quelque sorte, dans un individu qui en soit la personnification vivante. Uù homme mûr peut contempler un raisonnement dans la beauté de son abs traction. Il peut admirer la vérité toute nue et, s'emparant de la morale avec la seule force ae la logique, en jouir sans intermédiaire. L'enfant est tout imagina tion et tout sens ï ces lois 'idéales, que vous proclamez devant lui, n'arrivent à son cerveau que si elles ont passé par ses yeux ou par ses oreilles. La vertu, ce n'est pas, pour lui, une quintessence d'abstraction philosophique ; c'est le curé, ou le pasteur, ou le rabbin, c'est un in terprète en chair et en os des vérités qu'on lui enseigne. Il ne les aperçoit que sous le costume particulier de celui qui est chargé,-par une autorité supérieure, (divine, de les lui enseigner. Vous ne changerez rien à cela. Je suis au fond de la religion que pro fessent MM. Mottu et Ranc ; j'ai écrit dans l'Encyclopédie qu'ils avaient fondée pour , propager des idées qui me sont encore chères. Où je me sépare d'eux, c'est quand ils veulent proscrire l'imagination et la foi des écoles; c'est quand ils veulent traiter les enfants comme des hommes : et que d'hommes ne sont toute leur vie que de grands enfants ! ' Que font-ilë? Ils ôtent à ces petites têtes blondes la seule force que la nature leur ait donnée pour accomplir le bief. Ils la retran chent, sans rien mettre à la place. Ce n'est pas par des règles, c'est par des exemples que l'on enseigne la gram maire aux enfants ; et, de même, ce d'est pas par des raisonnements abstraits qu'on leur apprend à être bons: c'est par l'exemple vivant de l'homme qui repré sente, qui personnifie la morale, la vertu et ce pouvoir supérieur dont elle émane, et qui s'appelle Dieu 1 ..... /...