Extrait du journal
Quand, le 13 octobre dernier, Paris apprit que le « Diamant rose », d'historique mémoire, avait été volé, avec plusieurs autres objets, au musée de Chantilly, M. Léonard Rosenthal, qui est probablement l'homme du monde qui connaît le mieux les perles et les pierres précieuses, les aventures sensationnelles qui leur sont arri vées et-çe-lles qui peuvent leur arriver, m'avait dit : Ne vous alarmez pas outre mesure pour le diamant rose. On le retrouvera. C'est l'affaire de quelques mois. Tout à coup, quand personne n'y .pensera plus, on apprendra qu'on vient de le découvrir. On le retrouvera d'abord parce que nos policiers spéciaux tiendront à honneur d'ajouter ce succès à tant d'autres, et ensuite et surtout parce qu'il est invendable. Un jour ou l'autre, les voleurs seront bien embarrassés de leur vol'. Quand ils se seront heurtés aux refus des receleurs de Londres et d'Amsterdam, quand ils se seront rendu compte qu'une pierre de valeur inestimable n'est pour eux qu'une pierre sans valeur et singulièrement compromet tante, il se produira l'événement que la police qui est familiarisée avec les habitudes des voleurs internationaux attend. Des indicateurs entreront en scène, des complices se sacrifie ront et le diamant rose se retrouvera dans un ruisseau, dans un gâteau, dans une sacoche oubliée... Cela m'avait été dit avec l'assurance tranquille de quelqu'un qui sait ce dont il parie. Cepen dant, j'avais intérieurement souri et -je n'avais pas osé rapporter aux lecteurs du Gaulois cette conversation in extenso. Je le regrette aujourd'hui et je reconnais que M. L. Rosenthal avait eu la clairvoyance la plus nette. Le diamant rose vient d'être retrouvé, non pas dans un gâteau, mais dans une pomme. Ne chicanons pas l'objet: la trouvaille est la même. L'affaire vaut d'être contée. Une femme croqua une pomme... Samedi matin, la Sûreté générale était avisée par un mystérieux indicateur qu'un nommé Léon Kauffer, Alsacien, né à Gresswiller (BasRhin) le S avril 1897, avait soudainement aban donné sa chambre, hôtel Métropole, 56, boule vard de Strasbourg, en la laissant dans le plus grand désordre. Le lendemain dimanche, la femme de chambre de l'hôtel entreprit.de mettre.de l'ordre dans ce désordre. En rangeant les objets du loca taire, elle prit par l'une des poignées une valise qui traînait à terre. La valise, qui n'était pas fermée, s'ouvrit et une pomme magnifique, s'en échappant, roula à terre. Les filles d'Eve ont toujours eu pour la pomme un goût prononcé... Celle qui est préposée au ménage des locataires de l'hôtel Métropole ne résista pas à l'envie ancestrale. Elle ramassa la pomme et mordit dedans à belles dents. Un cri! La soubrette venait de s'écorcher les gencives sur un corps très dur qu'elle , prit tout d'abord pour un morceau de verre. C'était tout bonnement le «Diamant rose ». Bonne fille, elle alerta aussitôt sa patronne, Mme Pantonnice, qui, ne sachant trop si le corps dur en question était un morceau de verre taillé ou un diamant, prit Je sage parti d'avertir le commissaire spécial de la gare du Nord. Celui-ci, qui avait le souvenir du cambriolage de. Chantilly, eut le -pressentiment qu'il avait...
À propos
Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.
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