Extrait du journal

M. Paul Gaultier, au cours de son dernier ouvrage Les Mœurs du temps, a peint d'un trait sûr cette face de notre époque « Dans l'abandon de toute croyance, dit-il, et dans l'incertitude de toutes choses, il n'y a plus que le plaisir et l'argent qui semblent valoir la peine d'être poursuivis. Assoiffés de jouissances, nous voulons, à tout prix, ,les étendre dans le temps et dans l'espace, et ne comptons ;pour y anrjver que sur la vitesse, tel Frégoli qui revêt, en quelques minutes, plusieurs costumes et plusieurs Vivre, ce qu'on appelle vivre, c'est, aujourd'hui, .courir..11 semb1G que l'inquiétude quai nous harcèle nous incite à épuiser sans retard, jusqu au dernier suc, la minute qui Mais cela est-ce vivre, en vérité et en Si l'on s'abstrait de cette folie collective du siècle, on se rend vite compte que nos jours sont filés avec des riens '.insupportables ou charmants et que l'eau de notre vie intérieure subit l'effet des moindres ombres et des moindres rayons. Pour un ciel plus gris, une parole malsonnante, tin geste vulgaire, nous portons notre cervelle en deuil, ou en révolte. Un rien nous abat, mais un Tien nous exalte, et la beauté qui passe .devant nos yeux fait lever 2n nous les rêves de Phidias. Nous sommes une boite à musique qu'un souffle fait vibrer, suivant les circonstances, de joie ou de mélancolie. Un rien, le nez de Cléopâtre plus court, et la face du monde est changée. Un geste, une inflexion de voix, e}, voici que s'éveillent autour de nous des résonances que nous rie soupçonnons pas et qui se prolongeant l'infini. Nous blessons et nous .guérissons vingt fois par iour, sans nous en rendre compte....