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Le Gaulois, 22 février 1875

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Le Gaulois
22 février 1875


Extrait du journal

Plus on pénètre dans l'examen du projet combiné par les délégués du centre droit, du centre gauche et du groupe Lavergne, plus les énormités sur lesquelles il repose étaient avec une irrécusable netteté. Nous avons essayé hier de démontrer a quel point toute conciliation est impossible entre la constitution du Sénat nouveau et la loi sur les conseils généraux, qui interdit la politique à ces corps électifs une anomalie non moins singulière est celle qui réside dans une attribution conférée par ce .projet à l'Assemblée, celle qui consiste à nommer soixante-quinze sénateurs inamovibles, soit le tiers de la Chambre haute. Les conséquences de cette innovation bizarre apparaissent d'elles-mêmes. Le lendemain de la constitution du Sénat, il y aura dans ce corps deux catégories bien distinctes. L'une aura pour électeurs, ainsi que l'édicté le projet, les députés du département en même temps que les conseillers généraux d'arrondissement et municipaux. Les sénateurs qui la composeront seront gommés pour neuf ans et renouvelables par tiers. L'autre catégorie, investie par un vote solennel de l'Assemblée, sera nommée pour la vie. A l'époque fixée pour le renouvellement du mandat de leurs collègues, tes sénateurs qui feront partie de la catégorie créée par l'Assemblée demeureront inébranlables sur leurs sièges, et ils pourront voir dédaigneusement dealer dans l'enceinte de leurs délibérations les autres,ceux qui seront humblement soumis aux caprices des scrutins départementaux. Les inconvénients de cette dualité d'origine ne sont pas malaisés a toucher du doigt. Les sénateurs nommés par l'Assemblée seront pourvus d'une autorité morale beaucoup plus considérable que leurs collègues. Ces~ derniers supporteront difficilement cette inégalité, et la cause de la bonne harmonie, si précieuse (tans un corps délibérant, en subira une sérieuse atteinte. Notons en outre une autre singularité !ion moins choquante. Aux termes du projet, ainsi que nous~ venons de le rappeter, Ïes députés de chaque département ngurent parmi les grands électeurs du Sénat comme pour trois ans. Or ce sont les mêmes députés, réunis cette fois en Assemblée nationale qui doivent nommer, aux termes du même projet, des sénateurs inamovibles. N'est ce pas une conception bien étrange ? Voici d'une part -une Assemblée collectivement souveraine qui dira aux sénateurs créés par elle Je vous nomme pour la vie et la même Assemblée, répartie cette fois par députation de département, dira aux sénateurs de son choix «Je vous nomme pour neuf ans seulement, avec renouvellement par tiers.* y Puisqu'il voulait à toute -force donner a la chambre la prérogative excessive de décerner un mandat qui ne doit finir qu'avec l'existence du mandataire, le projet, en bonne logique, devrait s'arrêter la et ne pas amoindfif la portée de cette exorbitante attribution....

À propos

Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.

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