Extrait du journal

/ « Vieil arbre, je devine que tu as / -quelque chose à me dire. Cette façon de ' secouer tes branches de mon côté, sous le vent d'hiver qui nous défrise tous les deux... Eh bien, parle, cher voisin. Tu sais que j'aime ta conversation. Elle n'est jamais banale. Tu ne me dis rien de la vie chère, ni des prochaines élections, ni du dernier père de famille qui vient de tuer sa femme, ses trois enfants et sa cuisinière, parce que le rôti était brûlé. Vas-y donc ! Je t.écoutë. » C'est un végétal sombre qui gesticule sur mon avenue, entre un réverbère et .un banc. Son tronc débile est encrassé de poussière noire comme tous les ar bres de Paris d'ailleurs, qu'ils soient marronniers ou ormeaux ou platanes oui, le platane lui-même... ' Le platane au tronc blanc comme un torse [d'athlète... • En hiver, quand ces pauvres diables ont perdu leurs simili-feuilles, un Jus sieu ne saurait distinguer un chêne d'un bouleau, tellement les suies de la Ville Lumière leur donnent des teintes de'ramoneurs. Mais moi qui le connais depuis trente ans, je sais le nom de mon arbre et ses qualités. C'est un vernis du Japon. Et, s'il fleure si fort, ce déraciné, c.'est peut-être pour attirer les oiseaux de son pays, là-bas, dont les chansons berceraient son agonie affreuse. Mais il ne les voit venir que naturalisés sur des chapeaux de Parisiennes. Et c'est pourquoi il est généralement si | triste... Or, ce matin, il est plutôt gai, cet en fant du Japon. Il y a comme de l'iro nie, du sarcasme et du contentement dans ses branches maigres. Eh bien? me dit-il. Vous allez y passer, vous aussi. Les hommes après les arbres. C'est dans l'ordre. Les ar bres de Paris meurent : les Parisiens vont mourir ! Hein? sursautai-je......