Extrait du journal

Le pacha qui, en 1892, gouvernait le vilayet d'Angora m'avait donné pour '.guide son chef de cabinet, jeune fonctionnaire d'aspect plutôt minable, qui avait appris le français à l'école des'Frères de la doctrine chrétienne, Frère 'Abilis et Frère Sylvanus que Dieu, en voyage, vous conduise chez de pareils hôtes 1 Nous étions descendus d'abord vers la stèle sur laquelle est gravé le testament d'Auguste, monument épigraphique unique, et que les Turcs laissaient- à l'abandon. Nous étions ensuite remontés sur le rocher où perche An. gora, pour la visite que tout étranger doit rendre au Bazar-comme aux derviches– dans les villes .de l'Orient musulman. Le chef du cabinet me fit arrêter devant le marchand d'étoffes en poil de chameau, puis devant un atelier où des foulons, poussant en cadence des han 1 han gutturaux, pressaient de leurs pieds nus des étoffes humides. Je fus ensuite invité à admirer des amoncellements de peaux d'Astrakan noires et d'autres peaux de mouton it la -laine longue et sale. Enfin nous entrâmes dans un espèce de capharnaüm où se tenait, accroupi sous son fez crasseux, un homme maigre, jaunâtre, aux yeux bridés, aux pommettes saillantes. Ce devait être une des curiosités du pays, car mon guide, en m'annonçant qu'il me le ferait voir, m'avait d't que j'allais connaître, le descendant d'un de ces guerriers dewTamerlan qui, après regorgement mutuel de tant de Turcs et de tant de Mongols, dans las deuxième année du seizième siècle, étaient restés sur le théâtre de leur massacre. Entre autres choses, le vainqueur du sultan l3aiazet me montra, des colliers d'ambre emmêlés les uns dans les autres, mais parmi lesquels l'ancien disciple de Frère Abilis eut tôt fait de faire un choix.. « Celui-là est très ancien », me murmura-t-il,...