Extrait du journal
ditation sérieuse et de saines études : il lui fallait une oc cupation digne d’elle; une seule s’est offerte, est-ce sa faute ? D’autre part, toutes ces feuilles semblent voir le monde et la France dans Paris; aucune n’a été conçue dans un autre intérêt que celui de la capitale. Les comptes rendus des pièces de théâtre , les critiques sur le jeu d’une actrice, plus un petit lieu commun sur un proverbe , et dans les grands jours la peinture d’un ridicule parisien, voilà ce qui les remplit. Je ne sais si les lecteurs des départements y trouvent grand plaisir : mais à coup sûr ils ne sont pas juges de la justesse de la critique ou de la vérité de la satire: aussi il est à croire que bien peu de ces journaux vont audelà Jes murs. Ce sont là des défauts qui viennent des passions du temps et de fausses vues; quelque indulgence leur peut être accordée. Mais 41 est un vice qui déshonore, et qu’il faut bien signaler, au risque de se faire des inimitiés. La critique est devenue une spéculation d’auteurs, et un com merce de librairie. Chaque coterie a sa feuille ; sous le voile de l’anonyme , chacun y loue son livre ou le fait louer pqr un secrétaire ou un disciple; d’autres fois c’est un doux échange de services avec un ami ; le public , qui n’est pas dans le secret, croit à l’éloge où quelquefois la main pa ternelle, par surcroît de finesse et ruse de calcul, veut bien jeter çà et là une censure de bienveillance qui le relève et fasse valoir, comme on dit. Le plus souvent, l’argent à la main, et l’article rédigé par un faiseur de sa maison , le libraire commande à dix feuilles à la fois. Chaque matin, la France est étourdie de certains noms, jeunes ou vieux, qui doivent rappeler la gloire des beaux siècles : et cependant de grandes compositions, des tra vaux de conscience et d’utilité publique, obtiennent à grand’ peine l’annonce de politesse pour les deux exemplaires; le jeune homme modeste et inconnu est repoussé dans l’obs curité qui désespère, ou bien on l’enrôle, et il se.perd en prenant livrée. Ainsi la justice littéraire est à l’encan, et il faudrait désespérer de la critique, si, par bonheur, la rai son et le goût n’étaient au-dessus des atteintes de quelques traitants, ou de quelques meneurs de parti; car enfin t d’esprits élevés , tant de nobles caractères, qui coopèptjht la rédaction des journaux, ne peuvent être leurs coi il y aurait trop de douleur et trop de honte pour les Le temps est venu pour une réforme qui doit t fois retirer la critique du commerce et des passions...
À propos
Fondé en 1824 par Pierre Leroux (1797-1871) et Paul-François Dubois (1793-1874), Le Globe a traversé plusieurs phases très distinctes : de publication strictement littéraire, la rédaction – regroupant plusieurs universitaires – s’est peu à peu intéressé à la politique et à l’économie, via le saint-simonisme.
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