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Le Guetteur de Saint-Quentin et de l’Aisne, 2 mars 1881

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Le Guetteur de Saint-Quentin et de l’Aisne
2 mars 1881


Extrait du journal

Saint-Quentin, 1er mars. Nous sortons de cette fête gran diose, toute imprégnée de lumière morale et de cet esprit d’union et d’apaisement humain dont le grand poète est l’infatigable apôtre. Nos lecteurs trouveront plus loin les détails de cette journée, qui fera époque dans l’histoire du xix^ siècle Mais ce que la plume ne saurait rendre, ce qu’il faut avoir vu pour le comprendre, c’est le sentiment de profond respect, de recueillement presque vénérable de cette foule, de ce million d hommes venus de Paris et de tous les points de la France et de l’étranger pour rendre hom mage au génie qui est ie Voltaire de notre siècle. Et ce qui donnait à cette mani festation son véritable caractère, c’est sa spontanéité. Aucun de ceux qui étaient là n’était forcé de venir. Chacun y allait de son plein gré, sentant que derrière ces murs il y avait quelque chose d’auguste, com me qui dirait l’àme-mère dont la pensée vibre dans le cœur de tous. Et lui. l’aïeul, sa tète bianche en cadrée entre les deux ligures rieuses de Georges et de Jeanne, le cœur gonilé d émotion, les yeux humides de larmes, regardait passer les flots pressés du peuple, de ce peuple dont les vagues houleuses balaient impitoyablement les pouvoirs qui se croient torts parce qu’ils oppri ment, mais qui honore et vénère ces majestés incontestées qui s’ap pellent le Génie, la Bonté, l’Équité, le Droit. 11 pouvait se dire que tous ces cœurs ont palpité à la lecture des chefs-d'œuvre dont il a enrichi notre langue, que tous ces cerveaux étaient imprégnés de la grande lumière que, moderne Prométhée. il avait dérobé au soleil de la raison humaine. Voilà ce que nous avons vu, et il nous reste de cette grande journée le souvenir que nous rapportions naguère de la fête nationale du 44 Juillet. Pas plus dimanche qu’en ce jour, la police n’a mêlé sa main aux manifestations populaires. Elle a laissé taire et l’ordre a été partait, le calme complet. Le courant national est allé où le portaient et sa sympathie instinctive et sa nature généreuse. 11 est allé à celui dont le cœur ne connaît pas la haine, à celui dont la plume a tou jours été au service des faibles et des opprimés. Il est allé à l'apôtre de la Lumière et du Progrès, au champion de la Justice et du Droit, au soldat de la démocratie qui s’est élevé d’échelon en échelon, au sommet de l'humanité. Pendant ie défilé, plusieurs inci dents des plus touchants se sont produits. Nous voulons en relater un dont nous avons été témoin. Une ouvrière, tenant à la main un jeune homme d’une douzaine d’années, s’arrête devant la porte et dé cou vrant la tête de l’enfant lui dit : t Salue Victor Hugo. C'est grâce à lui que ton père nous a été rendu. » L’infatigable apôtre de l’amnistie, quand ces paroles lui seront re dites, compiendra. ce qu’il sait déjà, que le peuple n oublie jamais, vivants ou morts, ceux qui servent ; sa cause avec dévouement et ar deur. Des triomphateurs ont pu se fairej...

À propos

Fondé en 1869, Le Guetteur de Saint-Quentin et de l’Aisne affiche très vite son indépendance totale vis-à-vis de l’État en tenant haut le drapeau de la démocratie. Profondément pacifiste, le journal est convaincu que l’entente des peuples doit passer par une démilitarisation multilatérale. Il paraît jusqu’en 1914.

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