Extrait du journal
Une promenade, dans Paris, par ces temps d'étalages et de cadeaux, c'est quelque chose de vraiment très m'élancolique. A chaque pas, devant châtie boutique, devant chaque vitrine, on est stupéfié. On assiste partout à cette chose attristante, douloureuse même, entra toutes : la mort du goût. Nous ne le retrouvons plus nulle part, presque plus nulle part, sinon dans la toilette des femmes, parce que 'l'instinct de reproduction, plus fort que la mort, sauvegarde, du moins, cette espèce d'art éternel qu'inspire à toute la nature le désir de la possession. Mais c'est tout. Si le goût survit encore chez quelques individus devenus de plus en plus rares, il est répudié violemment par les collectivités, comme s'il était pour elles un danger ou une saleté. Il a quitté la statuaire, la peinture, l'architecture, l'habitation, le livre, les jardins, le bibelot. Le goût, cette chose indéfinissable, qui fait qu'on aime un meuble, une pendule, un vase, un bijou, une ligne, une perspective, comme une personne ; le goût, qui est de l'esprit, du charme, de l'émotion, de. l'harmonie, de la vie transportés dans la matière, aussi bien dans du métal de décoration pure, que dans une étoffe de nécessité usagé re, qui ornemente l'utile et utilise l'ornement, nous n'en avons môme plus le souvenir. Il faut aller fouiller chez les antiquaires, parmi tant de choses hétéroclites et modernisées, parmi tant de fausses poussières, pour se rappeler, de temps en temps, ce qu'il fut jadis, chez nous. Il faut aller aussi dans les musées où, en dépit de l'indifférence, de l'ignorance, de la malfaisance de ceux qui les tripatouillent, on peut quand même ge laver l'œil et se purifier .l'imagination de toutes les ignominies modernes. Ce qui, au milieu d'un tas d'objets venus de partout, de la lourde Allemagne, ou de la trop fastueuse Italie, distinguait si lumineusement, l'objet imprégné de notre goût, à nous Français, tout cela a disparu. Nous sommes tombés à l'égalité, à l'uniformité dans la laideur universelle. Nous n'avons plus rien à envier aux Anglais, aux Belges, aux Anglo-Belges, aux Américains et même — comble de la consternation — aux Viennois, de qui nous vinrent Klein et Mackart !. Quelques heures de flânerie dans Paris, rue de la Paix, rue Royale, avenue de l'Opéra, sur les boulevards, n'importe où, aussi bien chez les tailleurs de marbre de la rue Saint-Sabin, les ébénistes de l'a rue Picpus, que chez les fondeurs du Marais, et voilà une constatation malheureusement bien facile à faire....
À propos
Fondé en septembre 1892 par Fernand Xau, le quotidien Le Journal fut l’un des titres de presse les plus importants au début du XXe siècle. Modéré, parfois frileux, il séduit une large audience populaire par son contenu littéraire de qualité et la collaboration de grandes signatures. D’une sensibilité républicaine à ses débuts, il s’en détache peu à peu pour adopter une ligne davantage nationaliste et anticommuniste – assurément de droite – sans jamais côtoyer les extrêmes.
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