Extrait du journal

« Sois tranquille, ma petite. De la morale? non, je ne t'en ferai pas. Il s'agit bien de la morale. La morale, c'est bon pour la province, et dans la banlieue encore. Tu vis dans un monde où il suffit à une femme d'éviter le scandale pour être tout à fait estimée ; où le scandale lui-même ne déshonore que d'une façon relative. Si je te disais ces grands mots : « Vertu, pudeur, honneur du nom », tu me regarderais avec de jolis yeux étonnés. Va, va, je suis de ton temps, après avoir été du mien. Je ne trouve pas d'inconvénient à ce que de fort grandes dames, ayant traversé, la veille, au bras de leur mari, adulées et adorées, le bal de l'ambassade russe, s'en aillent souper, le lendemain, en cabinet particulier, avec un baryton d'opérette qui la tutoie devant le garçon. Quand j'apprends que Mme de Gottschalk rejoint son cocher, trois nuits sur sept, dans la paille et le foin, au-dessus de l'écurie, et que Berthe de Candème est partie pour la Belgique avec le nègre qui la massait, je me sens choquée, un peu, pas trop. Ce sont là des équipées excessives sans doute, mais qui seront bientôt oubliées, sino'n pardonnées ; et ces dames donnent d'excellents dîners. Tu peux donc bien penser, ma mignonne, que je ne suis pas capable de me formaliser à propos de la tendresse qu'une femme témoigne à un homme de son monde. Tu aimes M....