Extrait du journal

Surtout, — avant tout et après tout, — Henry Fouquier fut un ouvrier de belles-lettres, prodigieusement acharné à la noble tâche choisie, et un penseur sans méchanceté, condescendant, aimable. Je le répète : toute son humanité se concentra dansi la plume qui court vite entre les doigts, et dans le sourire, qui ne veut de mal à personne. —■ Hélas 1 elle ne caressera plus le papier d'une fuite légère, sa plume 1 Nous ne le verrons plus, les soirs de première, son sourire, dans la barbe plus claire d'être grise, sous les cheveux légers. Comme il va être sombre, le trou de la baignoire, où nous ne verrons plus ce sourire !—Le labeur d'Henry Fouquier était extraordinaire. Ceux même d'entre nous qui, comme on diL, ne renâclent pas à la besogne, ne pouvaient s'empêcher de s'étonner qu'une telle activité intellectuelle, qu'une telle prestidigitation digitale fussent possibles. Il pensait, sans paraître penser, tant il pensait vite, et il écrivait avec à peine l'air d'écrire, tant il écrivait vite, d'une si invraisemblable et si multiple soudaineté que l'on se der mande si elle fut réelle, si on ne l'a pas rêvée. Et rien n'était étranger à sa pensée si prompte. De même qu'aucune des formes du langage n'était étrangère à son style si courant. Mais gardezvous de croire qu'il ne dut sa prestesse d'idée et d'écriture qu'à une naturelle prédestination. C'est par la patiente étude de tous les penseurs qui avaient pensé de tout, c'est par un long effort de styliste instruit de toutes les difficultés @ du style, effort enfin réalisé en facilité d'écrire, qu'il avait obtenu sa prodigieuse et presque incomparable faculté de tout penser et de tout écrire, tout de suite, sur n'importe quel sujet ; son improvisation spirituelle et verbale était le résultat d'une volonté de naguère, acharnée ; et, capable de tout inventer, il avait tout appris. Quant à son indulgence, dont le sourire vient de s'éteindre, elle était extrême. Que, deux ou...