Extrait du journal

raid. décidé à jouer son va-tout au compas avec un avion de grand rayon d'action, est l'art de voir et de suivre les pistesLa piste est le salut et la vie. C'est une chaîne, mais on respire au-dessus d'elle un air de liberté. A cent mètres d'une piste, derrière une dune, des aviateurs en panne doivent logiquement succomber sans être secourus. Au contraire, en vue. de la piste, ils seront toujours sauvés. Cinq jours de vivres et d'eau à bord suffisent à conjurer tout incident. Porté manquant par la radio de l'objectif, l'avion retardataire est aussitôt recherché et, s'il s'est posé près du fil d'Ariane, vite retrouvé. La marche en patrouille est une sûreté de plus. Le colonel Vuillemin, pilote né, pour qui le Sahara n'est pas comme pour tout autre un labyrinthe de feu, néglige souvent la piste et fonce au grand large. Il est le seul qui puisse se permettre ces privautés avec le désert. Souveraineté si intense qu'on ne la remarque plus et devant laquelle, tôt ou tard, les dernières entraves sahariennes, tomberont car il en subsiste, et de rudes Le colonel a fait édifier à ElGoléa, l'oasis la plus parfumée, la plus ruisselante, un bordj d'habitation, véritable délice qu'auraient aimé Horace et Tibulle. Il s'y rend avec son petit zinc civil et y passe ses congés, au milieu des fleurs et des arbres qu'il a plantés. Sa femme et ses deux enfants sont toujours du voyage. Bichon a six ans et Jacqueline six mois. C'est la chose la plus touchante du monde de voir -l'illustre soldat s'envoler gaiement, heureux permissionnairè, emportant par-dessus les montagnes et les sables des êtres aussi chers, blottis dans la carlingue, joyeux et confiants. La piste, compagne nécessaire au Sahara, a des sautes d'humeur. Elle s'efface, se perd, s'amollit, tourne brusquement. La facilité du vol est fonction de sa visibilité....