Extrait du journal

DE CUBA La révolution grondait dans la *̃ Havane quand nous accostâmes l'au~tre semaine aux marches du nouveau quai. Machado n'avait, pas encore -fui il s'y préparait. Son yacht demeurait sous pression, loin des docks, au fond de la baie, protégé par un vaisseau de guerre, croiseur démodé et déteint, à l'avant duquel, sous la lune, tremblait un feu rouge. ;Un homme aimable et svelte, chef du protocole de la présidence, nous attendait pour nous signaler les périls de l'heure, puis il 'disparut pour aller au club. Des périls, nous n'en avions cure. Il n'est pas de peuple plus charmant que le cubain. !Quant aux bombes, nous en avions entendu, l'année précédente; l'éclatement sourd, un soir de -mai, près des jardins de Cespedes. Une fatalité fit qu'elle ne tua que des ibis rosés. Ce soir, pour notre retour, la ville est moins silencieuse. Des gamins jouent autour d'un. parc à attractions qui fait flamber ses girandoles non loin du. building Bacardi. Des soldats un peu débraillés 'nous proposent une conduite. Comme' à Santiago, des chômeurs rôdent; mais il passe aussi des chansons dans l'air et dés ritournelles de guitare se mêlent aux parfums dés fruits, à l'odeur des ruelles. Un 'Français de nos amis nous a convié au café de Paris, célèbre par ses crustacés et son vin d'Espagne. Nous n'y ferons pas de politique. Machado i avait ses espions, le nouveau régime aussi. C'est nécessaire. Peu d'hommes ont supporté si longtemps une ( aussi pesante impopularité que l'ex* < dictateur. La jeunesse ne lui par- ( donnait pas et la jeunesse patriote l'a vaincu. Mais son ombre laisse i des haines en gestation, pour ainsi ,dire, partout où la corruption lui servait d'appui. La Havane s'éveille d'un mauvais rêve parmi des menaces de vengeance et de fièvre. Dans son armature de luxe paradisiaque, chacun épie le retour de la prospérité et du bonheur, et sur les terrasses en vahies par l'herbe lés femmes aux -»-yeux noirs épient le bruit que fait en passant la sandale de la fortune. Pierre-Plessis....