Extrait du journal
E l’ai montré dans mon dernier article : le changement survenu J dans les affaires internationales, la révélation de plus en plus saisissante du danger pesant sur la paix de l’Europe et sur la sécurité de la France n’ont fait, en fin de compte, que ramener l’opinion républicaine et l’opinion socialiste à leur position tradition nelle. Ce changement et ce danger se relient sans doute à des causes d’ordre permanent : nous sommes socialistes, et nous ne pouvons oublier que les lois du capitalisme et les contradictions inhérentes a son évolution sont autant d’obstacles à la paix durable. Il n’est pas moins aisé de relier la situation présente de l’Europe à des antécé dents plus ou moins lointains, tels que les erreurs commises au len demain de la guerre et dénoncées par le socialisme — et je pense plus particuliérement à la façon dont le traité de Versailles fut fabri qué. imposé et appliqué. On peut disserter là-dessus à son gré. Mais, quand on cherche à reconnaître la cause directe, immédiate, aucune hésitation n’est possible pour l’observateur de bonne foi. Si la situa tion internationale a été transformée, si un danger de guerre a été créé et constamment aggravé, la responsabilité directe et immédiate incombe aux chefs des dictatures totalitaires, à leur volonté de con quête et de domination, érigée théoriquement en système, vérifiée pratiquement par une suite affreuse d’attentats. Ce sont les dic tateurs qui ont ramené au bercail l’opinion républicaine et socialiste. Ce sont eux qui ont obligé républicains et socialistes de France à se ressouvenir que la pleine solidarité des pays pacifiques était l’unique moyen de garantir la sécurité de chacun d’entre eux, que leur < bar rière vivante > était le seul obstacle qui pût arrêter la menace pré sente et imminente de la guerre. La leçon a été administrée si durement qu’elle a profité à tous les peuples menacés. Tous ont compris, dans un sursaut dicté par l’instinct même de leur conservation aussi bien que par leur volonté pacifique, que le système défensif des pactes était seul capable d’as surer leur sécurité et de préserver la paix. Peut-on imaginer à cet égard un exemple plus frappant que celui de l’accord anglo-francosoviétique dont le principe sera, j’espère, établi dans quelques heures. Il y a quelques mois encore, la masse de l’opinion britannique répu gnait à un arrangement quelconque avec les Soviets. En France, un fort courant poussait vers la dénonciation ou du moins vers la « mise en sommeil > du pacte conclu en 1935 par MM. Laval et Flandin. Parmi nous, socialistes, beaucoup d'excellents esprits hésitaient. Ils n’allaient pas jusqu’à proposer la rupture du pacte, mais ils ne vou laient pas que la France se jugeât trop exactement engagée par ses clauses. Ils redoutaient surtout — j’ai déjà noté quelle place cette inquiétude a tenue dans les débats de la Commission des résolutions, à Montrouge — que la France ne se trouvât prise entre ses enga gements vis-à-vis de la Grande-Bretagne et de la Russie soviétique et que l’exécution des uns ne fût contrariée par le maintien des autres. Mais les dictateurs ont opéré. La conquête militaire de la Tchécoslovaquie, les coups de force machinés contre la Pologne, la Roumanie et la Grèce ont déterminé la Grande-Bretagne et la France à couvrir les Etats menacés de leur garantie publique, à jeter précipitamment les bases d’un vaste sys tème défensif englobant toutes les nations pacifiques. Et il est aussi tôt apparu que l’absence de la Russie soviétique laisserait un vide béant dans le jeu des garanties comme dans la constitution du sys tème défensif. L’urgente nécessité d’assurer à la fois la sécurité et la paix a mis fin à toutes les controverses, a imposé silence à toutes les répugnances « idéologiques ». La France n’aura plus à opter entre la Grande-Bretagne et la Russie : tout son effort s’est employé, ces jours passés, à procurer entre elles l’accord pratique indispensable. Tout le monde a compris qu’un échec ajouterait quelque chose aux dangers de guerre ; tout le monde a compris que la réussite apporte rait une chance de plus aux espoirs de paix. Chaque fois que les nouvelles faisaient redouter l’échec, on sentait, à Londres comme à Paris, l’émotion publique : l’inquiétude avait changé de camp. Il y a là, j’en suis convaincu, une réelle unanimité dont je veux fournir encore un autre témoignage. Il y a maintenant douze jours, le Président du Com?il a lu solennellement à la Chambre une déclara tion qui affirmait, dans les termes les plus énergiques, la nécessité des pactes défensifs d’assistance. Il appelait de tous ses vœux l’étroit et intime rassemblement des peuples pacifiques ; il le justifiait, comme je viens de le faire, par les desseins agressifs des dictatures, par le double intérêt de la sécurité française et de la paix européenne ; il rattachait la politique présente de la France à la règle de la sécurité collective, c’est-à-dire aux obligations réciproques qui garantissent l’indépendance de chaque peuple par la solidarité de tous. Une inter pellation fut alors discutée. Si d’autres débats n’eussent été arbitrai rement et volontairement mêlés à celui-là. le groupe tout entier eût donné sans barguigner son approbation complète à la déclaration de M. Edouard Daladier. Le groupe tout entier a même regretté qu’un artifice quelconque de procédure parlementaire ne lui permît pas de manifester publiquement cette approbation. Je ne force donc pas la vérité. Bon gré mal gré, les dictateurs nous ont imposé une politique commune, ou plutôt nous ont ramenés à la doctrine commune. Cela est vrai, j'essaierai de le montrer, pour les vues d’avenir comme pour les nécessités urgentes et poignantes de l’heure. Car le socialisme ne songe pas seulement à l’immédiat, mais au durable. Il ne veut pas seulement sauver la oaix. il veut la fonder....
À propos
Lancé en 1908 sous le patronnage d'A. Bedouce, député SFIO, Le Midi socialiste était un quotidien de gauche édité à Toulouse. En 1910, Vincent Auriol en devient le rédacteur en chef. Malgré ses vélléités de grand quotidien régional, Le Midi socialiste se vendait essentiellement dans Toulouse même, où son tirage était par ailleurs relativement faible.
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