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Le Petit Courrier de Bar-sur-Seine, 5 septembre 1911

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Le Petit Courrier de Bar-sur-Seine
5 septembre 1911


Extrait du journal

Le renchérissement de la vie a provoqué dans le Nord des émeutes qui prennent une gravité particulière. Du moins les dif ficultés économiques que nous traversons sont-elles le prétexte de ce soulèvement du prolétariat. A côté des causes apparentes invoquées par les manifestants il faut en chercher d’autres qui ne sont pas difficiles a découvrir. La C. (î. T., qui n’hésite point à tirer profit de la misère publique, est entrée dans la lutte : ses missi dominici par courent les centres ouvriers, excitant les esprits, déchaînant les violences, trop heu reux de semer le vent pour que les autres récoltent la tempête. Nous retrouvons dans les îlots manufacturiers en effervescence les mêmes prédicateurs dont les noms nous deviennent aussi familiers que ceux des bandits qui tenaient autrefois les grandes routes. Le citoyen Y veto t donne de sa personne : il monte sur des bornes pour faire le pro cès de tout le monde — sauf le sien. Qu’ont ils à perdre, en effet, ces pilleurs d épaves dont le rêve est d’augmenter « la grande pitié du royaume de France »? Toute calamité leur est profitable ; toute ruine les enrichit; toute audace leur réus sit. Est-ce que les agissements de ces ci toyens là seront longtemps tolérés ? Est-ce que le pays ne se soulèvera pas bientôt contre ces amateurs de scandales et ces exploiteurs de l’infortune publique qui ne respectent même pas les angoisses natio nales et qui trouveraient à se réjouir de la ruine générale ? Nous espérons que le gou vernement saura prendre à cet égard les mesures simples qui conviennent et que nous ne chercherons pas à sévir une fois de plus quand le calme sera rétabli contre quelques comparses inconscients auxquels on s’efforce vainement de faire supporter des responsabilités qu’il faudrait dépister bien plus haut ou bien plus bas. Mais revenons à la situation réelle créée par le renchérissement de la vie. Le gou vernement ne s’en préoccupe pas que de puis hier. Dès le 20 juillet il examinait déjà dans quelle mesure son ingérence était possible et serait efficace. Sans doute il aurait pu hâter ses décisions. Mais il faut ajouter à sa décharge qu’elles sont malaisées à prendre. En ce moment même, la commission qui étudie la question ne trouve que des palliatifs qu’elle n’a pas encore définitivement arrêtés. L'est qu’en elfet l’action gouvernementale se trouve paralysée dès qu’elle doit intervenir dans des conflits économiques infiniment com plexes. Les débats en ire producteurs et consommateurs sont réglés par des lois contre lesquelles les ministres ne peuvent rien. Le redressement de quelques taxes douanières ou la suppression de primes à l’exportation auraient des résultats heu reux en ce moment comme en tout autre, d’ailleurs. Mais l'Etat qui se transforme en tu leur de tous les intérêts finira par être débordé s’il ne comprend pas que le pro tectionnisme essentiel réside dans le main tien de l’ordre à tout prix. Que les consommateurs protestent contre les prétentions des agriculteurs, c’est leur droit. Si les marchands exagèrent leurs demandes, ils deviendront vite raisonnables sous la pression des acheteurs, mais l'émeute, l’incendie et la destruction des marchandises n’ont jamais eu pour effet de faciliter les transactions. Casser les œufs et jeter le beurre au ruisseau quand la hausse de ces produits est déterminée par le déficit de la production, c’est une gageure et une folie invraisemblables. La cherté des denrées est due à des causes multiples. Les unes sont latentes et durables, les autres immédiates et passa gères. Depuis de nombreuses années la grande quantité de métal or jetée sur le marché a déterminé une baisse de la valeur réelle de la monnaie. De plus l’augmenta tion des salaires, la plus grande dispersion des richesses, la tendance générale à un moindre travail contre un gain supérieur ont accru la puissance de la consommation. Que de mauvaises conditions climatériques surviennent etl’équilibre précaireetinslable maintenu entre la consommation el la pro duction se trouve rompu. La sécheresse et la fièvre aphteuse sont les causes occa sionnelles qui s’ajoutent aux causes per manentes de renchérissement. D’ailleurs la cherté de la vie alimentaire est à peu près la même dans tous les pays d’Europe liés au même mouvement écono mique et tenus aux mêmes engagements sociaux. Seulement à l’étranger les ouvriers ne considèrent pas encore comme définitive ment acquis les avantages de bien-être dont jouissent les travailleurs de nos usines. Le temps n’est pas si lointain où le salarié ne mangeait de la viande qu’une fois par semaine. Aujourd’hui quel est l’ouvrier qui n’a pas son plat de viande quotidien? Il en est de même pour toutes les denrées. Dès lors le moindre resserre ment de l’existence apparaît aux prolétaires français comme un nouveau crime dont l’Etat se rend coupable. El pour peu que les « cégéléistes » s’en mêlent, nous assistons aux spectacles pitoyables qui décon»...

À propos

En 1841, Le Petit Courrier de Bar-sur-Seine prend temps la suite de la Feuille d'affiches, petite gazette spécialisée dans les annonces et les avis divers du village de Bar-sur-Seine, dans l'Aube. Devenu titre hebdomadaire – puis bihebdomadaire à partide de 1885 –, le journal disparaîtra en 1916.

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