Extrait du journal
ON éloquence ne tendait pas à diriger, ellei^endiguait. Elle n'entraînait pas, elle encer clait. L'idée qu'il entendait développer ou ;• soutenir était d'abord lancée par lui en des cohvèrsations familières. Il l'essayait. La presse s'en-' emparait. Il laissait l'opinion publique jouer avec elle. Puis, lorsqu'il avait pu noter les réactions que celle-ci avait suscitées, il parlait. Le: discours qu'if prononçait alors n'était plus qu'un, long compromis : celui d'un révolutionnaire qui ne veut brusquer nî les hommes, ni les choses. I Cette préoccupation faisait qu'il parlait, sans notes/Tâtant. son auditoire pour connaître exacte-; = ment la limite des. concessions qu'il ,lui était néces- -. sa ire de faire, il improvisait. A peine avait-il perçu -• cette limite que sa voix s'affermissait. Son ton s'élevait. Il s'échauffait. Ses mains fines, tout d'abord immobiles, ponctuaient son discours. Elles devançaient sa parole, traduisant au besoin ce qu'il: se retenait de dire. , ' Il savait où il allait, mais il ne brisait pas les; obstacles, il les côtoyait. Pour atteindre son but,1 tel un chat qui surveille une souris, il guettait sorï auditoire. Il le flairait. Il l'écoutait. Il le flattait quand il était besoin ï il le heurtait quand il était nécessaire. Il naviguait à la voile. Les clameurs furieuses et les manifestations d'admiration n'avaient pas de prise sur lui. Il acceptait tout en fataliste résigné qui professe qu'un politique ne doit Jamais sortir de son calme. Il était le type parfait de l'homme d'Etat, du grand orateur dont le talent sait s'accommoder de tout, même d'un certain mépris pour les hommes. . Il y avait en lui du devin plus encore que de •l'apôtre. Sa foi, pour être agissante, n'était pas aveugle. Sa souplesse n'excluait pas la fermeté. Ce qu'il voulait, c'était tracer la route au bout de laquelle se trpuye la récompense. Il était ' sembta_bl9~à ,ces" Marins, à ces paysans dont Is dos se. voûte sur la barre ou la charrue, à creuser tour à tour la vague et le sillon; •> . C'est que Briand était peuple : peuple par ses goûts, son sens des réalités, sa^ finesse, sa simpli cité. Il avait du peuple l'indulgence, la prudence, le courage, l'audace. Il y avait aussi, en lui, ce t sens de l'amitié que l'âme populaire porte en elle. Il connut bien des trahisons, il ne pratiqua, quant, à lui, que lë culte du souvenir. Ses compagnons t de jeunesse demeurèrent ceux des jours fastes. Il na : renia jamais son passé. Il ne changea, au cours de sa tumultueuse existence, ni d'habitudes, nî d'affection. Il n'avait pas un cœur de rechange. Il resta jusqu'à sa mort un bohème dédaigneux de l'argent. Il ne se soucia jamais de devenir1 .riche. L'or n'avait pas de prise sur lui. Son seul > luxe fut de rester honnête. :. Le sage ne tua pas .en lui le poète. Il chemina' 1 le long de la vie en artiste, rêvant sa politique.' Et pour avoir voulu réaliser son • rêve, Briand a ■ laissé plus qu'une oeuvre, plus qu'un nom, il a laissâ une magnifique espérance. ANDRE SAUGER. ;...
À propos
Fondé en 1863 par Moïse Polydore Millaud, Le Petit Journal était un quotidien parisien républicain et conservateur parmi les plus populaires sous la troisième République. Le journal jouit vite d’un succès commercial sans précédent, renforcé par la publication de divers suppléments, parmi lesquels son célèbre « supplément du dimanche » ou encore Le Petit Journal illustré. La publication s’achève à l’orée de l’année 1944.
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