Extrait du journal

Car il les connaissait tous par leur, nom, il savait leur petite situation, ce qu'ils étaient, ce qu'ils faisaient, ce que- valait la femme, s'il y avait des enfants. Que de fois les jours de maladie, après la paye, -Pierre n'avait-il pas attendu dans le cou loir, etlàseul à seul, à l'insu de Georges lui-mê me, loin des regardsde tous, n'avait- il pas glissé quelque argent, disant très bas : — Ce sera pour la convalescence, moi je me charge du reste ! Et en effet, le médecin, le pharmacien, tout était payé par lui. Et à cette heure, on ne pensait qu'à ces choses. Et le revoir là, entre ces gardes de Paris, bouleversait ces ouvriers qui au fend l'estimaientet l'aimaient, etl'on n'entendait que des phrases de ce genre : — Ah ! coquin de sort !... C'est pas possible ! Le patron est un honnête homme!... •— Cô que ça vous retourne les sangs de le voir là, lui si juste!... — Il y a erreur, c'est sûr ! M. Pierre n'a pas tué, surtout il n'a pas volé !... Dans le cabinet de travail, une jeune fem me, toute vêtue de deuil, inconsolable dans ses vêtements de veuve, était assise, dépouil lant le courrier, prenant des notes, faisant plusieurs paquets des lettres, marquant les unes de bleu, les autres de rouge, soulignant les phrases contenant les observations et les commandes. C'était Adèle Chaniers qui, malgré son dé sespoir, au lendemain de l'enterrement de Georges et de l'arrestation de Pierre, s'était mise bravement à la besogne et avait pris la direction de l'usine. Déjà, avec son frère, elle avait appris lés choses indispensables de leurindustrie ; mais quand elle s'était vue seule, au lieudeselaisser écraser par la douleur, elle s'était au con...