Extrait du journal

Et il pleura en regardant pleurer son frère. La nuit était devenue tout à.fait noire. Et si quelqu'un passant eût suivi d'un œil attentif la marche un peu vacillante de ces deux forts appuyés au bras l'un de l'autre, il n'aurait nen compris à ces larmes silen cieuses coulant sous les ténèbres de la belle voie spacieuse en ce moment déserte ; il se fût demandé & quelle ébriété triste il fallait faire remonter la cause de cette douleur insolite. Ce fut Pièrre qui recouvra son calme le premier. < — Allons, — dit-il, — me voici prêt. Opère. Il ajouta, aveo un sourire navrant qui démentait ses paroles : — Ce que tu 'vas me dire est-il une sen tence sans appel ? — Non, répondit Savariau. — A dire le vrai, ce n'est pas même une sentence. L'ar rêt, mon Pierre, c'est toi qui le porteras. Je veux seulement te fournir les éléments du jugement. — Bien 1 Cela veut dire qtie tu me laisses une parcelle d'espoir. — Précisons, — reprit Abel. Si tu veux espérer, tu le peux. Si tu désires même que j'espère avec toi,j'espérerai,quoi que ce soit plus difficile. Si enfin tu désires que je tente l'impossible, je le tenterai. — Merci, frère. Je serai à la hauteur de ta confiance. Et maintenant assez de préam bules. Parle. J'écoute. Alors l'agent, prenant les choses d'un peu loin, exposa & son frère de lait ce que les circonstances aussi bien que sa propre en quête lui avaient révélé sur le compte des deux dames de Folligny, l'étrangeté de leur...