Extrait du journal
Je voudrais toucher aujourd’hui nu sujet bien délicat, qui intéresse les ins tituteurs. Le fait s’est passé dans un département du Midi. Ce département, je ne veux pas le désigner; je ne veux pas davantage donner un seul des noms que l’histoire comporte. Vous serez obligé de me croire sur parole, et vous me croirez sans doute, si je vous affirme que j’ai entre les mains la preuve abso lument authentique de ce que j’avance. Les instituteurs de chaque départementattendent toujours avec impatience, vers la fin des vacances scolaires, la publication du document officiel qu’ils appellent le tableau. Le tableau contient la liste des mutations, avancements et promotions décidés par le préfet et rati fiés par le ministre. Deux instituteurs qui se rencontrent ne manquent guère de se demander si te tableau a paru, si l’un d’eux a quel que renseignement sur le tableau ; le tableau est leur grande préoccupation. Et cela se conçoit aisément : tel institu teur passe d’une commune, où il est connu, où il a ses habitudes et desavan tages particuliers, à une autre où il pré voit qu’il traînera une vie très miséra ble. Tel autre est envoyé, au contraire, du petit trou, où il végétait, dans une école où la vie est plus aisée et les chan ces de donner des leçons particulières plus nombreuses. Vous voyez que l'in térêt est pressant. Tous se jettent donc sur le tableau, aussitôt qu’il parait. Cette année, — je parle d’un seul département, qui est moins éloigné de Marseille que de Pa ris,— cette année, dis-je,ils ont eu,en le lisant, un étonnement mêlé de dépit et de colère. - Généralement le Journal officiel se contente d’enregistrer les mutations, sans en livrer les causes au public, à moins que ces causes ne soient très honorables pour l'instituteur. Ainsi je suppose qu’un jeune instituteur soit d’emblée promu à quelque poste de faveur, on ne sera pas surpris de voir la nomination justifiée par • '”4'une mcuuon ne ce genre : pour services exceptionnels. Et encore ai-je lieu de penser que ccs formules ne sont pas employées communément. Mais je ne crois pas qu’on ait jamais vu encore le Journal officiel enregistrant une mutation parmi les instituteurs, en l’accompagnant de cette mention singu lière : Changé pour mauvaises notes — pour insuffisance de service — pour ca ractère détestable — pour querelles avec le curé— pour discussions avec le maire... Cette hypothèse vous semblerait mons trueuse. Ce n’est pas une hypothèse. C’est une belle et bonne réalité... Bonne ! c’est une façon de parler ; c’est en vérité détestable. J’ai sous les yeux, dans le journal, la liste officielle,ou si vous aimez mieux, le tableau de l’enseignement pri maire dans le département en question. Il y a six instituteurs ou institutrices, qui sont ainsi marqués d’infamie par leurs chefs, et dont les mutations sont expliquées par des motifs déshonorants pour eux. J’ignore si c’est là une nouveauté, ou si l’administration du département n’a (ait que suivre une tradition. Tradition ou nouveauté, la chose est absurde et fiètes table....
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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