Extrait du journal

J’ai rencontré, car c’est la fureur du moment. L’homme découragé qui cherche un logement. Il s’en va dans la rue avec des airs maussades, Ayant les yeux fixés sur toutes les façades. Et guettant dans le vent, prêt à le secouer. L’écriteau proposant un étage à louer... [meure ? Au fond, pourquoi changer de place avant qu’on Pourquoi changer lorsque le souvenir demeure T Il est là sur les murs, le souvenir vivant ! Gardez votre logis, monsieur; le plus souvent, Il reste sous le toit qui le vit un jour naître. Le souvenir, parfois, s’en va par la fenêtre. Et voyant devant lui le lointain spacieux, Avant que vous partiez il monte vers les cieux. Oh ! quitter la maison qu’on eut pendant la guerre I Déménager ! Les gens faisaient cela naguère. Un logis, autrefois, pouvait se déserter Quand on n’avait que des meubles à transporter. Maintenant, s’en aller des lieux que l’on habite Parce que ia maison vous parait trop petite. C’est oublier ce qu’on y souffrit, c’est enfin Vouloir au souvenir assigner une fin. Celui qu’on a perdu, car il alla se battre, A monté plusieurs fois l’escalier quatre à quatre. C’est de cette fenêtre, avant mil neuf cent vingt. Qu’on guetta son retour, quand des fois, il revint. Oh! la maison qui garde, en ses vieilles murailles. Les angoisses qu’on eut aux longs Jours des batailles! Quitter cette maison où l’on a tant souffert. Où l’âme s’est fermée, où le cœur s’est ouvert ; Cette vieille maison qui, sur son front sévère. Conserve encor des airs douloureux de calvaire ! SI nous déménagions tous — soldats qu’en dis-tu ? — On oublierait peut-être, un Jour, qu’on s’est battu t On verrait se tarir soudain les pleurs des veuves... C’est pour ça que Je hais toutes les maisons neuves..: Tous les logis nouveaux.les « pièces » qui n’ont point Des tas de souvenirs vivants dans quelque coin... Et je ne trouve pas ridicule qu’on garde Sa coquette maison ou sa pauvre mansarde : Au culte des absents on semble se vouer Quand on ne trouve plus de maison à louer t XAVIER MAUNIER....