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Le Petit Marseillais, 17 octobre 1907

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Le Petit Marseillais
17 octobre 1907


Extrait du journal

professeurs, à Aix, tenaient essentielle ment à ce qu’on fréquentât les cours. Ils notaient avec soin les irréguliers et les absents, et j’étais, j’ose le dire, au tout premier rang de ceux-là. De plus, M. Jourdan — qui aime bien châtie bien ! — par cela même qu’il s’intéressait à moi, avait voulu me donner une petite leçon et il m’avait recommandé à la sévé rité de ses collègues. Si bien que Ce pre mier examen, que j’ai eu plus d’une fois l’occasion de raconte'r, fut, soit dit sans me vanter, tout à fait désastreux. Je ne sais où diable ils allaient cher cher luira questions, mais il me fut impossible de répondre un traître mot à aucune d’elles. L’un des examinateurs, notamment, prenait plaisir à me tourner et me retourner sur le gril. C’était le père Grellaud, un vieux brave homme dont je vois encore la bonne figure ronde et joviale. L m’interrogea sur une foule d’us et coutumes de l’ancien droit qui n’avaient jamais été à ma connaissance. Puis, après avoir, avec une évidente satisfaction, constaté mon ignorance absolue de ces matières, il prit une phy sionomie pleine à la fois de béatitude et de malice et, d’un petit air bonhomme : — Je vois, mon jeune ami, me dit-il, que ces sujets-là ne vous sont pas très familiers... Je voudrais, cependant, trouver une question sur laquelle vous puissiez répondre.. Voyons, en cher chant bien, nous arriverons peut-être... Et, les yeux mi-clos, comme un bon gros chat qui ronronne : — Tenez, fit-il, si je vous demandais, par exemple, quelles sont les heures des trains pour Marseille ?... Un petit rire discret parcourut l’assis tance. Il n’y avait là que des étudiants, et cet âge est sans pitié. Mais, de mon côté, n’ayant plus rien à perdre, car je ne pouvais plus mettre en doute mon « retoquage », je voulus avoir aussi pour moi quelques rieurs et, regardant la pendule, je répondis avec la plus par faite ingénuité : — Les trains pour Marseille ? Il y en a un, justement, dans dix minutes... Ce fut tout ce qu’on put tirer de moi en fait de droit romain et de droit fran çais. Deux heures après — ayant pris le train en question, — j’étais à Marseille où j’annonçai avec indignation au papa Ramagni que les professeurs venaient encore de commettre une abominable injustice. Et, durant toute l’après-midi, j’emplis les cafés de la Cannebière de mes doléances. Je suis, aujourd’hui, un peu plus apaisé, et la vérité m’oblige à reconnaître que je n’avais pas complète ment volé ce qui m’arrivait. J’avais eu le tort de ne pas travailler, ce qui est une faute à tout âge. Et, cependant, quoique bien des années aient passé depuis lors, et que je sois maintenant mûri par l’ex périence, chaque fois que j’arrive à Marseille et que,de nouveau,son charme et ses séductions me reprennent, je sens bien qu’aucun remords ne se mêle à ce souvenir, et que si c’était à recommen cer, ma foi, je recommencerais !... EMMANUEL ÂRËNE, Sénateur de la Corse....

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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